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sion native) fonctionnant d’elle-même et se manifestant dans les rapports de l’individu avec la souveraineté sociale, avec ses égaux, avec lui-même. Elle est essentiellement anti-égoïste, parce qu’elle est l’empreinte, l’image et le résumé du travail de la société et des corrélations de ses parties dans leur fonctionnement respectif en vue du tout. »

Telle est la morale de M. Ardigò, et la politique spéculative à laquelle elle se rattache. On trouvera sans doute qu’elle n’est pas aussi claire que sa psychologie et sa cosmologie[1], et c’est aussi notre impression. Les termes employés par l’auteur sont obscurs dans leur généralité ; le plan de son exposition trahit par ses recommencements perpétuels une certaine indécision dans la pensée. Nous nous bornerons donc à protester pour notre compte et au nom de la sociologie expérimentale contre l’idée de la fédération, qui n’est qu’un retour au fractionnement par cités, c’est-à-dire à un état social inférieur, dépassé depuis vingt siècles, et nous omettrons de discuter le système. Il faudrait pour le faire avec convenance remonter jusqu’au principe implicitement adopté par l’auteur pour la psychologie et la sociologie et se demander si le moi individuel et le moi collectif ne sont en effet que des abstractions, comme le pense M. Ardigò. On verrait que de ce nominalisme découlent les obscurités de sa morale et les anachronismes de sa politique. Par son fédéralisme, qui ne tend à rien moins qu’à supprimer l’action de l’organe central dans l’État et ne laisse debout que les individus dans leur liberté illimitée, l’auteur est en opposition avec la grande majorité des positivistes italiens actuels, dont la préoccupation constante est de fortifier le pouvoir central, à la seule condition qu’il soit d’accord avec l’opinion légalement exprimée. La nature de notre propre travail nous interdit d’ailleurs d’entrer dans les détails de l’œuvre, et c’est précisément par les détails qu’elle offre l’intérêt le plus vif. Les vues ingénieuses et profondes sur le côté psychologique de l’activité morale s’y rencontrent souvent, et, sans laisser une satisfaction complète, le livre suggère une multitude de réflexions.

A. E.

Mélusine. Recueil de mythologie, littérature populaire, traditions et usages, publié par MM. H. Gaidoz et E. Rolland. 1 volume, Paris, Viaut, 1878.

En publiant ce riche et intéressant répertoire, MM. H. Gaidoz et E. Rolland n’ont pas compté seulement rendre service à l’histoire proprement dite et plaire aux amis de la littérature populaire : ils ont voulu contribuer aussi à l’histoire philosophique de l’âme et réunir un grand

  1. Pour la psychologie et la cosmologie de M. Ardigò, voir la Revue philosophique, numéros de mai 1877, janvier et février 1879.