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a. debon. — localisations psychologiques

M. Wundt une résultante de chaque expérience prise en particulier. La théorie se rapproche ainsi des doctrines empiriques anglaises, jusqu’à se confondre avec elles ; les apparences sont sauvées, la pensée est la même. La critique a répondu.

Si l’on voulait poursuivre dans le détail cet examen, il serait facile de signaler d’autres défauts des théories précédentes. L’une et l’autre en effet aboutissent à quoi ? À un appel à l’inconnu. Toute mon explication, dit M. Lotze, n’est qu’une hypothèse qu’il serait impossible de vérifier par l’observation du moi ou par la réflexion : les localisations sont devenues pour nous des habitudes acquises, c’est-à-dire des phénomènes instinctifs et inconscients. On trouvera singulier sans doute qu’un esprit philosophique aussi exercé que M. Lotze nous donne pour solution d’un problème une explication de ce genre : « Les choses auraient pu se passer ainsi, et d’ailleurs tout se dérobe aujourd’hui pour nous dans les ténèbres de l’inconscient. » C’est greffer une seconde hypothèse sur la première. La logique n’autorise personne à présenter comme clef d’une difficulté une doctrine qu’on n’appuie d’aucune observation psychologique ni d’aucune induction analogique.

La même remarque s’applique à la théorie de M. Wundt. Cette « synthèse » d’où sortirait la notion d’espace, a-t-on logiquement le droit de la supposer, ou n’est-ce pas une manière mal dissimulée d’éluder une difficulté dont l’empirisme n’a pu venir jusqu’à présent à bout ? Assurément il y a des synthèses psychologiques comme il y a des synthèses chimiques, et dans les deux cas les propriétés de la combinaison produite sont autres que celles des éléments combinés. Ainsi les émotions complexes de l’âme, la jalousie, l’envie, la mélancolie ne ressemblent point aux sentiments particuliers et simples dont chacune est la résultante : l’envie est autre chose que la haine d’autrui, le désir d’un bien présent, la douleur de ne pouvoir y atteindre. Dans le même sens, les créations de l’esprit, chimères, hippogriffes, sont encore des synthèses, et aussi les conceptions abstraites et générales. Toute la question est de savoir si l’assimilation est juste, ou du moins justifiée. Or ici les analogies font défaut, l’intuition d’espace étant la condition générale de toute expérience externe possible, et ne pouvant dès lors être comparée à aucun mode particulier de cette même expérience ni à aucun acte particulier de représentation mentale. Ajoutez que, dans une synthèse, la propriété caractéristique du composé varie en fonction des éléments : ce qui ne serait point le cas ici, puisque la notion d’espace est identique, qu’elle soit unie aux sensations de la vue ou à celles du toucher.