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a. debon. — localisations psychologiques

Il l’ignore encore durant la seconde phase, quand à l’effort momentané succède une nouvelle expérience, celle d’une tension continue. Conscient de sa puissance d’agir, le sujet sentant prolonge son effort suivant une direction donnée, que du reste il ne se représente en aucune façon ; il applique ferme sa main sur une surface plane, une table par exemple, ou il allonge son bras en avant. Que remarque-t-il en lui ? Une succession de sensations homogènes, des impressions d’effort musculaire qui dans le premier cas décroissent graduellement jusqu’à disparaître, et dans le second croissent d’intensité au point de devenir intolérables. Une nouvelle marque des sensations est reconnue, leur intensité ; une nouvelle distinction appliquée à ces groupes de tout à l’heure, l’ordre de croissance ou de décroissance.

Un pas de plus, et nous toucherons au but. Au point où nous en sommes, le sujet conscient distingue ses propres sensations sous le triple rapport de la qualité, de l’intensité, de l’ordre de gradation : il saisit un rapport de dissemblance entre une piqûre d’épingle et l’attouchement d’une surface polie, entre l’action de remuer le bras et celle de remuer un doigt, entre l’effort initial et la douleur ou l’absence de douleur finale ; enfin il peut constater l’ordre de succession de ces modifications internes. Et pourtant aucune portion quelconque de ces modifications affectives, malgré ces différenciations réunies et reconnues, n’est capable de susciter une synthèse représentative d’espace. C’est qu’en effet la condition ultime de toute représentation d’espace, l’idée de coexistence, n’a pu encore être éveillée dans l’esprit : comment donc l’est-elle ?

Imaginons un mouvement actif de tension combiné avec un mouvement volontaire de déplacement ou de translation. Le sujet conscient fait effort pour allonger son bras, et en même temps il le remue de haut en bas, ou bien il promène sa main de gauche à droite sur une surface inégale ; puis, ce premier mouvement exécuté en sens direct, il le refait en sens inverse, de bas en haut, ou de droite à gauche. Quel sera le résultat mental ? Une succession de sensations homogènes, c’est-à-dire de sensations d’effort, différentes de qualité, continues entre elles, croissantes ou décroissantes, disposées suivant un ordre sériaire invariable : ABCD ; DCBA. Impossible que l’une apparaisse sans avoir été précédée de telle autre, que B n’ait pas pour antécédent A ou C, et ne soit pas alternativement déterminé par A et par C entre lesquels il se trouve comme encastré et qu’à son tour il détermine. Impossible aussi d’intervertir l’ordre de gradation, c’est-à-dire d’aller de A à C sans passer par B : la continuité de succession correspond rigoureusement à la continuité de l’effort et à