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que nous lui rattachons ; c est un jugement de localisation, un jugement de coexistence simultanée avec d’autres impressions, un jugement de classification qu’atteste l’apparition du mot cheval, un jugement de causation enfin qui nous l’ait prévoir vaguement ce qui va suivre ou nous fait songer à ce qui vient de précéder notre impression. À mesure que la sensation est réputée se préciser, ces jugements se multiplient et deviennent l’objet d’une foi plus vive.

Si donc l’attention est le désir de préciser la sensation naissante, cela revient à dire qu’elle est le désir d’un accroissement de la croyance actuelle. — Par suite, en montrant le rôle important de l’attention, la psychophysique a prouvé le haut intérêt qui s’attache à l’étude des deux éléments distincts de cette quantité complexe, et la nécessité de la décomposer en eux. — La même définition pourrait s’appliquer, ou peu s’en faut, à la question, source de l’hypothèse. C’est qu’en effet l’esprit attentif est essentiellement « questionneur. Cette étrange faculté dédire si, qui, non moins que la faculté de dire oui et non, concourt à la formation de toutes nos idées (car toutes les lois scientifiques ne sont que des hypothèses vérifiées et embrassent essentiellement l’immensité des faits jugés possibles), s’explique par une analyse pareille. Avant d’hypothétiser, l’enfant questionne. Avant de songer à se dire : « Si ce rocher tombe, il m’écrasera. » l’enfant commence par se demander implicitement : « Ce rocher tombera-t-il ? » Analysons donc la question. L’image d’un rocher (ou la vue de ce rocher) et l’image de son mouvement de chute se présentent ensemble à l’esprit de l’enfant ; et son esprit, par exception (caria thèse et l’antithèse sont la règle ordinaire), n’établit entre ces deux idées aucun lien de foi positive ou négative. Cependant il désire, il a besoin de croire, d’affirmer ou de nier. Ce désir qui a une croyance future pour objet, c’est l’interrogation.

Qu’est-ce d’ailleurs, pourra-t-on me demander en passant, que la croyance ? Qu’est-ce que le désir ? J’avoue mon impossibilité de les définir. D’autres y ont échoué. Après avoir, dans son Traité de la nature humaine, donné de la croyance une définition qui ne peut se soutenir et qui s’appliquerait tout aussi bien au désir, comme toutes celles qu’on a essayées depuis (la croyance est une idée vive rapportée à une impression présente ou associée avec elle), Hume, dans son appendice, reconnaît, avec sa franchise accoutumée, qu’il ne lui est pas possible d’expliquer parfaitement la croyance. Ce qui importe plus qu’une définition de ce genre, c’est de remarquer que la croyance, non plus que le désir, n’est logiquement ni psychologiquement postérieure aux sensations ; que, loin de naître de l’agrégation de celles-ci, elle est indispensable à leur formation, ainsi qu’à leur groupement ;