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g. tarde. — la croyance et le désir

qu’on ne sait ce qui reste des sensations, les jugements ôtés ; et que, dans le son le plus élémentaire, dans le point coloré le plus indivisible, il y a déjà une durée et une succession, une multiplicité de points et d’instants contigus dont l’intégration est une énigme. Par quelle vertu les instants sonores successifs, dont l’un a cessé d’être quand l’autre a commencé à être, se combinent-ils entre eux ? Qu’est-ce qui rend possible cet accouplement fécond du mort et du vif ? L’image’? Mais l’image, c’est le souvenir ; expliquez le souvenir ! Fait ultime, dit Stuart Mili découragé. De deux choses l’une : ou l’on explique la croyance (et aussi bien le désir) par les sensations telles que tout le monde les connaît, vrais pelotons de propositions antérieures ramassées, et on suppose ce qu’on prétend expliquer ; ou bien on descend à des sensations conjecturales, élémentaires, mathématiquement instantanées, et il se trouve que ces éléments sensitifs sont des zéros de sensation avec lesquels il s’agit de faire un nombre.


I


La croyance, le désir, la sensation : seuls éléments de l’âme.

L’importance psychologique de la propriété d’attribuer ou de défaire des attributions déjà faites, et de la propriété de retenir ou de repousser, d’appeler ou de chasser des impressions, s’étend, à mon avis, bien plus loin que les lignes précédentes ne pourraient le faire supposer. Ma pensée à cet égard se résume dans le double énoncé suivant, qu’il serait trop long de développer : 1o Au fond des phénomènes internes, quels qu’ils soient, l’analyse poussée à bout ne découvre jamais que trois termes irréductibles, la croyance, le désir, et leur point d’application, le sentir pur, — extrait, par abstraction et hypothèse, de l’amas de propositions et de volitions où il se trouve engagé. 2o Les deux premiers termes sont les formes ou forces innées et constitutives du sujet, les moules où il reçoit les matériaux bruts de la sensation. Ce sont les deux seules catégories auxquelles on n’ait pas songé, probablement parce qu’elles sautaient aux yeux, et les deux seules qui, je crois, méritent ce nom.

Quant aux types de jugements tout faits auxquels on donne en général ce titre, ils ne sont que des emplois spéciaux de la faculté de juger ; loin d’être une richesse du sujet, l’obligation où il est de n’exercer sa virtualité illimitée d’attribution que suivant ces types et