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g. tarde. — la croyance et le désir

le désir, les sensations : avec ces termes précis, nettement saisissables, on peut tout faire psychologiquement, comme, extérieurement, avec ces trois termes non moins distincts et intelligibles, l’espace, le temps, les matières. Mais, remarquons-le, en utilisant ces éléments pour faire tout naître de leurs accouplements, nous devons tendre à subordonner les plus obscurs aux plus clairs et non ceux-ci à ceux-là, et la perfection scientifique consisterait même à supprimer, s’il se pouvait, les premiers, ou à les ramener aux seconds. Or l’obscur en psychologie, c’est la sensation en ce qu’elle a de propre, de sui generis ; daris les sciences extérieures, c’est la matière en ce qu’elle a de chimique et de qualifié. Aussi semble-t-il aux savants qu’ils auraient atteint l’apogée du savoir humain le jour où ils auraient absorbé l’idée de matière dans l’idée de mouvement, laquelle n’est presque qu’une combinaison des deux idées d’espace et de temps. On a justement défini la cinématique une géométrie à quatre dimensions. De même, il semble que, si l’on parvenait à résoudre entièrement les sensations, le rouge, le vert, le rude, le sucré, etc., en jugements, par exemple, ou bien en volitions, états de l’âme choisis parmi les principales combinaisons, diversement opérées, de la croyance et du désir, la science si opaque des psychologues deviendrait transparente jusqu’au fond. Il ne resterait plus pour réaliser le rêve de l’identité substantielle, assez mal compris d’ailleurs par ceux qui ne regardent pas l’identité comme un simple cas singulier de la différence universelle, qu’à essayer de voir dans le mouvement et le jugement (Wundt), ou bien dans le mouvement et la volonté (Schopenhauer), et non, comme on l’a tenté en vain, dans le mouvement et la sensation proprement dite, deux aspects divers d’une même réalité.

La croyance et le désir, dans leur forme soit positive soit négative, peuvent se combiner, ensemble ou séparément : 1o  soit avec les sensations différentes, fortes ou faibles, ces dernières nommées images ; 2o  soit l’une avec l’autre, mais de plusieurs manières.

Unie principalement avec les sensations qu’elle accouple entre elles ou sépare, la croyance produit la perception et le discernement des sens. Exercée directement sur les images jugées telles, c’est-à-dire séparées, niées des sensations (affirmation et négation implicites et concomitantes), elle produit le souvenir. Autrement dit, la mémoire n’est, en tant que fait psychologique, qu’un jugement, surtout négatif, d’une certaine espèce, basé sur le fait biologique d’une répétition d’états cérébraux. Je n’ai pas à m’occuper ici du mécanisme de la localisation dans le temps. En rêve, nous nous souvenons sans le savoir, ou plutôt sans le croire ; cela suffit pour qu’en réalité nous