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g. tarde. — la croyance et le désir

reconnais, de mesurer aussi commodément les degrés d’élévation ou d’abaissement de ces états dans un individu déterminé. Cependant la chose est théoriquement concevable, par l’emploi des phénomènes d’équilibre interne dont je parlais tout à l’heure, le doute et l’indécision. Par exemple, je crois inégalement à la théorie A, aux théories B, C, D, etc., toutes étrangères les unes aux autres. Quel est le rapport mathématique de ma croyance à chacune d’elles ? J’observe que, si B m’apparaît-, dans une de ses conséquences, en contradiction avec C, je tombe dans le doute, et aussi bien quand C vient à contredire D, ou E, etc. J’en conclus l’égalité des croyances afférentes à B, C, D, E. Si maintenant une contradiction se présente entre A et B, et que ma foi en A subsiste, quoique atteinte ; si, après avoir été contredite par B, la théorie A l’est encore par C, puis par D, et qu’à ce troisième démenti seulement je me mette à douter absolument de la vérité de A, n’ai-je pas le droit de penser que ma croyance en A est égale à 3 fois ma croyance en B ou en C ou en D ? Un historien qui compulse des archives ou une grande bibliothèque voit souvent défiler 20, 30 témoins, les uns affirmant, les autres niant le même fait. Mais il ne compte pas les voix, il les pèse, car il a son opinion sur la valeur de chacune d’elles ; et il ne faut pas moins de 3, 4, 5 démentis donnés au témoin le plus cher pour rendre son esprit perplexe. S’il n’a de préférence pour aucun des premiers, on peut dire que sa confiance dans celui-ci est triple, quadruple : (encore y a-t-il, il est vrai, des circonstances où la foi dans le témoin préféré devrait être regardée comme égale au produit et non à la somme des quantités de croyance attachées aux témoignages multiples nécessaires pour le contre-balancer). Même raisonnement pour la mesure du désir individuel. Entre deux projets dont je dois sacrifier l’un, je reste indécis ; j’y tiens donc également ; si, ayant à opter entre l’un de ces deux et un troisième, je choisis celui-ci, mais que, ayant à opter entre les deux premiers à la fois et celui-ci, je demeure irrésolu ou ne me décide qu’à contre « cœur et au hasard, certainement je tiens au dernier projet deux fois plus qu’à chacun des deux autres.

Il est évident, je l’avoue, que ce procédé n’est nullement pratique. Aussi je m’empresse d’ajouter que les psychophysiciens, avec lesquels d’ailleurs mon désaccord n’est pas grand, puisque je leur accorde l’existence de quantités dans l’âme, point capital de leur doctrine, ont eu raison au fond de ne pas s’attacher aux deux quantités pures que je signale et d’étudier de préférence des quantités impures et dérivées, mêlées d’un élément qualitatif dominant, mais accessibles par certains côtés à nos instruments physiques de me-