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traits généraux dans leur large développement forment un système qui représente l’extrême opposé de l’esthétique idéaliste et qui doit être par une sage critique accusé d’une égale insuffisance.

De là la nécessité d’une conciliation des deux principes qui ait pour but de luire avec impartialité à chacun la part à laquelle il a droit. Or toutes deux ces doctrines ont grandi sur la base de l’esthétique kantienne. Les tentatives suivantes de conciliation prendront leur base essentielle dans Kant ; mais elles ne peuvent réunir ces antipodes.

IV. Dans les études suivantes, l’auteur fait subir le même examen critique aux esthéticiens, qui comme Lotze, Köstlein, Siebeck, ont essayé d’opérer cette fusion ou conciliation. Le premier, prenant sa base dans l’observation anthropologique, aboutit à une sorte d’idéalisme téléologique ; en même temps, il rattache l’esthétique à l’éthique ou à la morale, Le beau étant une manifestation formelle du bien, il devient impossible de distinguer le beau du bien ; c’est naviguer entre Charybde et Sylla. Le second, qui part d’un point de vue à la fois réaliste et psychologique, ne réussit pas mieux avec sa conception formalistique de la beauté. Prenant une position éclectique, il flotte dans un milieu vague entre le subjectivisme kantien et l’idéalisme hégélien. L’article très étendu consacré à Siebeck démontre encore plus longuement l’insuffisance de son esthétique, fondée sur le principe psychologique de l’aperception, comme constituant un mode particulier de l’intuition. Nous ne nous arrêterons pas à ces auteurs, qui peuvent avoir leur importance, mais qui, à nos yeux, occupent un rang secondaire dans l’esthétique allemande.

V. Mais on ne trouvera pas mauvais que notre attention s’arrête principalement sur celle de ces études qui est intitulée L’empirisme dans l’esthétique et qui est consacrée spécialement à l’esthétique de Fechner.

Les objections que Neudecker lui adresse sont trop graves et trop nombreuses pour que nous ne les mettions pas sous les yeux du lecteur, qui en jugera la valeur. Il est bon que non seulement chez nous l’on sache qu’en Allemagne l’empirisme, dans cette branche de la philosophie, a des contradicteurs sérieux, mais que l’on connaisse les reproches qu’ils lui adressent et les raisons sur lesquelles ceux-ci leur paraissent fondés. Il ne faut pas que l’empirisme s’imagine triompher aussi facilement qu’il le dit et le répète souvent, en négligeant de répondre aux attaques de ses adversaires ou de les prendre au sérieux. Ce sera notre excuse de la longueur même de notre article.

L’auteur, qui expose la doctrine avant de la juger, fait d’abord remarquer la position nouvelle que prend l’esthétique dans cette école. Jusqu’ici, elle était en partie réelle et distincte de la philosophie ; elle avait son domaine propre. Comme science particulière, elle est tout simplement annexée à la psychologie et forme un de ses chapitres. L’empirisme ne peut pourtant se contenter d’une simple analyse ou classification des sensations et des formes plaisantes (Gefällugen) qui y correspon-