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bénard. — la théorie du comique.

-arts ou des belles sciences (schönen Wissenschaften), comme ils les appellent, contient des articles et des chapitres entiers où le ridicule et le comique, leurs différents genres ou espèces sont décrits avec soin, analysés avec finesse et sagacité. On y trouve beaucoup d’observations justes, de réflexions sensées. La partie empirique conserve ainsi son mérite indépendamment de la théorie ; mais celle-ci est à peu près nulle. Là où quelques vues neuves et originales apparaissent, elles restent stériles, faute d’être approfondies et soumises à la critique. On voit partout se reproduire la définition du contraste, adoptée par l’école entière de Wolf, comme donnant la clef du risible ou du comique. « Le risible, dit Mendelsohn, est un contraste de perfections et d’imperfections. » Eberhard va plus loin : « le risible est ce en quoi nous apercevons un désaccord (Missgestalt) surprenant entre des qualités, d’où naît une imperfection non importante. » La surprise qui s’ajoute au contraste marque ici un pas de plus vers la solution d’une question complexe. L’auteur s’avance encore plus quand il dit que le risible est une « absurdité visible (Ungereimtheit). Le risible est dans les actions, la forme visible, extérieure, sous laquelle apparaît l’absurde lorsqu’elle n’a aucune suite importante ou douloureuse. » (Handbuch der Æsthetik, IV, 228.)

Tout cela sans doute ne manque pas de justesse ; de nouveaux éléments sont entrevus qui viennent s’ajouter à la théorie du contraste et à l’ancienne définition d’Aristote. La science s’en accroît peu à peu ; mais ils restent à l’état de pures assertions isolées, sans se grouper ni se combiner ; il en sera ainsi jusqu’à ce qu’une vraie théorie s’en empare et leur marque sa place et sa fonction dans l’ensemble organique qui doit les réunir en vertu du principe qui seul peut les expliquer.

Meiners ne se borne pas à recueillir ces résultats ; il essaye une formule plus hardie. Il exige que l’union ou le rapprochement que produit le contraste « soit au plus haut degré absurde ou contradictoire ». Tout cela peut être vrai, mais reste à l’état d’hypothèse. Où est la preuve tirée de l’observation ou du raisonnement qui justifie ces assertions ?

Un progrès plus notable se fait remarquer dans Lessing, quoiqu’on ne puisse pas dire que chez lui une théorie nouvelle se produise. Fidèle à son culte pour Aristote et sans s’écarter de ses devanciers, il reproduit la définition du contraste, qui alors était un lieu commun. Mais ce qui est chez lui original, ce qui constitue dans la science une acquisition nouvelle et un acheminement vers une théorie supérieure, c’est le rapprochement qu’il établit entre le risible et le laid. Lessing, on l’a vu (Esthétique du laid), admet la laideur dans l’art,