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analyses. — robert flint. Antitheistic Théories.

ils ont le mérite d’avoir posé un problème négligé jusqu’alors par les philosophes, le problème de la vie. À ce titre, ils ont droit à une place importante dans l’histoire des idées. M. Flint s’attache à montrer, contre M. J. Sully, que ce n’est pas le bonheur qui fait le prix de l’existence ; pour qui rejette Dieu et la vie future, la thèse pessimiste est irréfutable. — C’est aussi notre avis ; mais il est un point du pessimisme que nous aimerions à voir discuter : c’est celui par où il touche à la doctrine malthusienne. Que dire à celui qui refuserait de se reproduire, parce qu’il veut épargner à ceux qui naîtraient de lui le tourment de l’existence ? Invoquera-t-on le devoir envers la patrie ? Mais il n’est ni évident ni, ce semble, bien rigoureux : car, aux yeux de la conscience publique, le célibataire, comme tel, n’est pas un mauvais citoyen. Dira-t-on que, en dehors de toute considération de bonheur, chacun est tenu de contribuer selon ses forces au progrès du genre humain, au triomphe définitif de la justice et de la vertu, et qu’une des conséquences de cette obligation, c’est de laisser derrière soi des enfants pour continuer le bon combat et mériter à leur tour ? Mais quelle assurance qu’ils ne déserteront pas la lutte, ou ne la trouveront pas trop douloureuse ? Ai-je le devoir, ai-je même le droit d’infliger à qui ne l’a pas demandé la souffrance de vivre, eût-elle pour prix tout le mérite moral qu’on voudra ? Que si l’on se contente d’en appeler à cet instinct puissant qui porte l’homme à fonder une famille, on sera prié de remarquer que l’existence d’un instinct n’est pas un argument décisif contre une doctrine philosophique, et que l’absolue chasteté a été, pour d’autres motifs il est vrai, l’idéal souvent réalisé, des sectes mystiques de tous les temps. En un mot, et sans insister plus qu’il ne convient sur ce sujet, nous eussions voulu trouver chez M. Flint une réfutation au moins sommaire de ce pessimisme pratique qui tendrait, par philanthropie, à arrêter dans son cours le torrent de la génération.

Le panthéisme fait l’objet des deux dernières leçons. Nous devons y signaler une bonne discussion du système de Spinoza. Notons en particulier cette argumentation assez nouvelle, bien que d’une solidité peut-être contestable, contre la théorie de l’unité de substance. « Peut-il y avoir dans une substance qui est absolument une, des attributs qui ne soient pas relatifs à des esprits distincts de cette substance ? Peut-il y avoir des attributs qui existent objectivement dans la substance elle-même ? Si l’on répond par la négative,… la substance n’est plus évidemment l’unité absolue et compréhensive d’où tout procède ; elle implique, bien plus elle présuppose l’existence d’esprits qui soient distincts d’elle. Il devient impossible de la regarder comme l’existence primordiale et universelle en dehors de laquelle rien n’existe : elle n’est plus qu’un objet secondaire et particulier de l’esprit. — Si l’on répond par l’affirmative, la notion de la substance n’en est pas moins détruite. L’unité de substance disparaît, car comme, selon l’expresse déclaration de Spinoza, chaque attribut est essentiellement distinct de tous les autres, la substance est représentée comme un agrégat d’es-