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analyses. — e. joyau. De l’invention dans les arts.

artistes et des savants. C’est au fond et sous un aspect particulier l’unique problème que puisse se poser la philosophie. Qu’est-ce que la pensée ? Un simple résidu des données sensibles, ou faut-il pour en rendre compte admettre l’existence de données particulières et d’une activité spéciale ?

Les poètes et les philosophes ont toujours énuméré avec complaisance les effets de l’imagination et les merveilles qu’elle produit dans le domaine artistique. En ces derniers temps et surtout depuis M. Claude Bernard, on a reconnu également quelle part énorme revient à l’imagination dans l’invention scientifique. Mais c’est là constater seulement la puissance de l’imagination, en déterminer les résultats ce qu’il faudrait, au point de vue psychologique, c’est définir et analyser ce pouvoir d’inventer dont on décrit les effets et que les diverses écoles considèrent tantôt comme une simple forme de l’association des idées, tantôt comme une sorte de puissance étrange trop capricieuse pour qu’il soit possible de déterminer ses lois.

Le mérite de M. Joyau est précisément d’avoir tenté de découvrir ces lois ou tout au moins l’une d’entre elles. Il a voulu étudier la folle du logis avec la méthode rigoureuse que la psychologie moderne a portée dans l’examen de tous les faits intellectuels.

Malheureusement, s’il faut louer sans réserve l’idée première du livre de M. Joyau, les résultats auxquels il est parvenu sont loin d’avoir la même valeur ; et il est difficile de découvrir dans cette longue étude quelque idée vraiment neuve sur le mécanisme du travail de l’invention. Selon M. Joyau, l’imagination est une faculté par laquelle « notre âme, en vertu d’une tendance inhérente à sa nature, se porte spontanément d’un sentiment, d’une pensée, d’une action à un autre sentiment, une autre pensée, une autre action qui sont les conséquences naturelles et logiques des phénomènes précédents.

« C’est le pouvoir qu’a notre intelligence de se développer spontanément d’une manière logique… Tout ce qui est vrai, tout ce qui est beau, tout ce qui est bien, est simple et logique ; une théorie est d’autant plus vraie, une œuvre est d’autant plus belle, une action est d’autant meilleure qu’elle est plus simple et plus logique.

« C’est une erreur profonde que d’opposer l’une à l’autre l’imagination et la raison ; tout ce que nous suggère l’imagination créatrice donne pleine et entière satisfaction à la raison. Ces deux facultés sont, en réalité, identiques. Si nous les distinguons, cela tient au point de vue auquel nous nous plaçons ; l’imagination est la faculté qu’a notre âme de faire du progrès ; la raison est la connaissance que nous avons des lois de notre progrès. »

Cette théorie, M. Joyau essaye de l’établir à trois points de vue différents auxquels il consacre les trois parties de son livre.

Il étudie d’abord la nature de l’imagination considérée en elle-même : il montre qu’il y a en nous « une tendance naturelle à passer spontanément, et sans excitation extérieure, d’un phénomène psycho-