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ch. richet. — du somnambulisme provoqué

ces observations, il ne faut pas que le sommeil soit très profond, il est nécessaire de ne pas dépasser la première période, celle qu’on pourrait appeler période d’engourdissement. À cette période du sommeil, la conscience est conservée et cependant il y a un commencement d’automatisme très manifeste.

Un médecin de Breslau avait affirmé à M. Heidenhain que le magnétisme ne ferait aucune impression sur lui ; mais, après qu’il eut été engourdi par M. Hansen, le magnétiseur, il ne put prononcer une parole. Réveillé, il déclara qu’il aurait très bien pu parler, et que. s’il n’avait rien dit, c’est parce qu’il n’avait rien voulu dire. Nouvel engourdissement par quelques passes ; nouvelle impuissance de la parole. On le réveille encore, et il est forcé de reconnaître que, s’il ne parlait pas, c’est qu’il ne pouvait pas parler.

Un de mes amis, étant seulement engourdi et non tout à fait endormi, a bien étudié ce phénomène d’impuissance coïncidant avec l’illusion de la puissance. Lorsque je lui indique un mouvement, il l’exécute toujours ; même lorsque, avant d’être magnétisé, il était parfaitement résolu à me résister. Cependant, dès qu’il est engourdi, il ne peut plus résister. C’est ce qu’il a le plus de peine à comprendre, à son réveil. — « Certainement, me dit-il, je pourrais résister, mais je n’ai pas la volonté de le faire. » Aussi est-il quelquefois tenté de croire qu’il simule. « Quand je suis engourdi, me dit-il, je simule l’automatisme, quoique je puisse, ce me semble, faire autrement. J’arrive avec la ferme volonté de ne pas simuler, et malgré moi, dès que le sommeil commence, il me paraît que je simule. » On comprendra que ce genre de simulation d’un phénomène se confond absolument avec la réalité de ce phénomène. L’automatisme est prouvé par le seul fait que des personnes de bonne foi ne peuvent pas agir autrement que des automates. Peu importe qu’elles s’imaginent pouvoir résister. Elles ne résistent pas. Voilà le fait qui doit être pris en considération, et non l’illusion qu’elles se font de leur soi-disant pouvoir de résistance.


On voit que les objections, faites, hardiment autrefois, timidement aujourd’hui, à la réalité du somnambulisme, ne peuvent être de quelque poids en présence de l’ensemble imposant des preuves formelles, et, jusqu’ici, irréfutables, que nous avons indiquées plus haut.

En effet, si nous manquons d’une preuve absolue, au moins nous avons un ensemble de preuves qui démontrent manifestement combien l’hypothèse de la simulation est absurde. Le scepticisme scientifique est une excellente méthode ; mais il ne faut pas le pousser au