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tel mouvement provoque telle idée ; d’autre part, telle idée provoque toujours tel mouvement[1].

Non seulement cette suggestion a lieu quand on fait un geste bien caractérisé, mais encore quand le geste est à peine ébauché. Il suffit de la plus légère impulsion pour que le somnambule, achevant le geste à peine commencé, se place dans l’attitude passionnelle qu’il croit en relation avec l’impulsion primitive. Pour émouvoir tout l’appareil de l’expression des sentiments affectifs, il suffit d’une minime impulsion, d’une suggestion extrêmement faible.

Il y a un abîme cependant entre une suggestion extrêmement faible et une suggestion nulle. Les magnétiseurs de profession prétendent que la suggestion mentale existe. Selon eux, un sujet magnétique peut exécuter un ordre pensé et non exprimé par le magnétiseur. J’ai souvent cherché à vérifier cette assertion. Il ne m’a pas été donné de réussir. Cependant les résultats incohérents que j’ai obtenus m’autorisent à affirmer que la question ne doit pas être tranchée par une négation à priori. Il y a lieu de chercher encore et d’étudier. Heureux ceux qui se contentent de nier et croient que tout est dit quand ils ont affirmé que c’est impossible.


c. — Automatisme.

Le phénomène le plus important, celui qui domine tous les autres ; c’est l’automatisme. Si l’on prie un sujet endormi de dire à quoi il pense, il répondra toujours qu’il ne pense à rien et qu’il n’a pas d’idées. Il faut prendre cette réponse au pied de la lettre. Un somnambule ne pense à rien. Son intelligence est vide ; c’est l’obscurité absolue. Cette inertie psychique se manifeste par l’inertie complète de la physionomie et des mouvements volontaires. Mais que l’on vienne au milieu de cette obscurité profonde à présenter une image ou une idée, aussitôt cette idée deviendra prépondérante et occupera l’imagination tout entière.

L’inertie psychique explique donc la vivacité des impressions ; elle explique aussi, dans une certaine mesure, l’automatisme. On sait qu’un des préjugés les plus solidement enracinés dans l’esprit du vulgaire est la sujétion du magnétisé vis-à-vis du magnétiseur. Il y a un certain degré de vérité dans cette croyance ; mais il faut examiner ce qui en elle est exact et ce qui est exagéré.

Lorsqu’un sujet est endormi, on peut le traiter comme une véritable machine. Si on lui dit : « Levez-vous, asseyez-vous, levez le bras, levez la jambe, baissez le bras, mettez-vous à genoux, levez la

  1. Voyez la courte notice que j’ai publiée sur ce sujet dans la Revue philosophique, décembre 1879.