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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

la sévère beauté des sermons qu’il adressait aux fidèles, sans se soucier de leur rang, de leur éducation et de leur fortune. Il croyait faire assez d’être clair, sans consentir à être frivole. Toutefois son orthodoxie devint suspecte à plus d’un. Il avait beau appartenir au parti tory et professer des opinions sur tous les points conservatrices, il dut se défendre contre des accusations contraires et prouver qu’il n’était ni arien ni papiste.

La vérité, toutefois, est qu’il inclinait vers l’hérésie d’Arius, bien que son intention fût de la concilier avec les dogmes orthodoxes. Tout imbu de platonisme et prenant, croyons-nous, trop au pied de la lettre l’expédient que propose Malebranche pour sauver et la liberté humaine et le miracle, lorsqu’il indique dans Jésus-Christ la première des « causes occasionnelles », le théologien de Langford revenait à une conception voisine des Alexandrins. Il refusait aux personnes de la Trinité divine l’absolue égalité que Rome avait proclamée. De Dieu véritable il n’en connaissait qu’un, Dieu le Père. Quant au Verbe, ce n’était point, à son avis, une personne consubstantielle au Père, mais bien la première des créations divines. Le Verbe devenait Créateur dans ce sens que de lui émanaient le monde, les animaux, et l’homme. Entre nous et le Père se trouverait donc un intermédiaire, le Fils, véritable moyen terme qui unit Celui qui est tout à nous, qui venons de rien, foyer de l’activité, source de la vie, d’où découlent et se déroulent les ondes de l’existence. Mais ce Fils lui-même retourne au Père, ramenant ainsi au Principe dont il relève et lui-même et l’univers, son ouvrage. Ne semble-t-il pas, à lire cette théogonie, que Collier ait voulu adapter aux livres de la Réforme la thèse plotinienne des hypostases ?

Peut-être est-il permis de croire que le cours de ses spéculations philosophiques ne fut point sans influence sur la direction de sa théologie. Un idéaliste chrétien n’est point sans éprouver quelque embarras à rester constant avec lui-même, tant ce qu’il croit et ce qu’il pense offrent souvent de désaccord. Dieu ne dit-il pas expressément par ses Écritures qu’il construisit, dans un temps donné, la terre et ses habitants ? Or, si toute réalité réside dans l’esprit qui se la représente et ne diffère essentiellement pas de la pensée qui la conçoit, comment le Créateur a-t-il bien pu la produire ? Est-ce faire une œuvre que d’en susciter seulement l’idée, et a-t-on pu créer ce qui n’existe pas ?

La théologie de Collier lui permettait de se tirer de ce mauvais pas. Le Verbe, qu’est-il autre chose sinon la fécondité, dont est doué l’entendement divin ? C’est en tant qu’il pense que Dieu donne forme, mouvement et vie à ses conceptions. L’homme ne connaît donc