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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

fictive que je regarde, elle sera aussi colorée, aussi éclatante que celle qui semble briller au ciel. Nouvelle preuve de cette vérité que l’extériorité visible n’inclut en aucune manière l’extériorité réelle.

Des perceptions possibles, si nous en venons aux perceptions actuelles, c’est-à-dire à celles-là même que nous croyons véritablement éprouver, la preuve sera tout aussi forte. On peut invoquer non seulement les sensations de la vue, mais celles aussi de l’ouïe, de l’odorat, du goût, tous états de l’âme, reconnus tels par quiconque se recueille et raisonne. Car, de prétendre que ces affections de nos sens nous représentent des êtres, qui s’en aviserait ? Tout le monde connaît le cas de l’amputé qui ressent de la douleur à son bras perdu. Sons, couleurs, odeurs, saveurs ne sont donc point des choses, ni même des propriétés inhérentes aux choses, mais bien des attributs accidentels exclusivement relatifs à nous. Que de fait à citer ! Des hallucinés se persuadent qu’on les bat. D’autres pâlissent devant des animaux gigantesques. Il faudrait être, ajoute Collier, plus fou qu’eux pour nier qu’ils voient réellement ce qu’ils affirment apercevoir. Les arguments de cet ordre défrayent les manuels des psychologues et sont comme le pont aux perroquets. Mais si toutes ces observations sont exactes, si, de plus, comme Descartes et, à sa suite, tous les esprits attentifs le croient, la lumière et les couleurs ne sont rien en dehors de nous, comment serions-nous autorisés à tirer de ce fait que nous voyons le monde, cette conséquence qu’il existe un monde extérieur ?

On peut aller plus loin encore et dire que non seulement du phénomène de la vision il n’est point permis d’inférer l’existence extérieure de la chose vue, mais qu’il en faut tirer la conclusion inverse : Un objet n’est visible que parce qu’il n’est point extérieur.

Qui n’a fait déjà l’expérience suivante ? D’ordinaire, je n’aperçois qu’une lune au ciel. En pressant sur mon œil, j’en vois deux, aussi brillantes l’une que l’autre, avec les mêmes taches, les mêmes saillies et la même échancrure, si la lune n’est pas dans son plein. Or des deux une seule pourrait être extérieure, car il m’arrive aussi de reconnaître dans un miroir la lune réfléchie, sans que j’admette pour cela l’existence de deux lunes. Mais non ; c’est mal parler. Aucune des deux n’est extérieure, car de quel droit éliminer l’une et lui préférer l’autre, puisqu’il n’y a pas dans l’une de demi-teinte, de léger trait, que l’autre ne présente aussi ? Ou toutes deux sont extérieures, ou aucune des deux ne l’est. — Enfin, sans même pousser plus loin, rappelons seulement les différences d’aspect que la lune nous offre, le contraste qui existe entre les apparences qu’elle revêt et les caractères que l’on s’accorde à lui reconnaître. Elle se montre à nous