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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, X.djvu/404

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suivît, en la resserrant, la précédente analyse. Mais ce n’étaient point ses syllogismes qui pouvaient mener à fin la démonstration. Le syllogisme n’enrichit en rien la connaissance : c’est un moyen d’éclaircissement, non d’acquisition. Sans doute, sur l’idée de matière devait se concentrer l’attaque, mais ce n’était point à coups d’enthymèmes qu’il convenait de la livrer.

Après avoir rappelé que la raison juge de l’universel, nullement du particulier, Collier ajoute, d’accord en cela avec Aristote et Berkeley, que l’existence est essentiellement individuelle. Observation décisive qui permet d’accueillir par une fin de non-recevoir toutes les hypothèses à l’aide desquelles on a tenté de suppléer à l’insuffisance de la sensibilité. Si la matière n’est par elle-même ni son, ni couleur, ni figure, ni dureté, ni froid, etc., elle ne sera point davantage pure étendue, pure pesanteur, pure masse. Une définition de ce nouveau genre ne définirait évidemment rien, puisqu’elle se composerait de caractères abstraits et généraux, et que les êtres auxquels elle s’applique sont concrets et particuliers. Parler de forces ne vaut guère mieux ; si le mot de force a pour nous un sens, il signifie la puissance de traction dont notre déploiement musculaire nous offre le type. Reste l’expédient d’une cause et d’une substance cachées dont nous nous bornerions à proclamer l’existence, sans essayer d’en décrire la nature. Les êtres que nous connaissons seraient de la sorte réduits à l’on ne sait quel substrat lointain et mystérieux.

Pour réfuter cette hypothèse désespérée, la méthode psychologique est insuffisante, et l’idéalisme a besoin d’appeler à son aide la critique transcendantale.

L’époque n’est pas loin où le principal initiateur de la spéculation moderne soumettra les principes les plus généraux de la raison à son inflexible analyse et sera peu à peu conduit à reconnaître en eux de simples formes intellectuelles imposées à notre esprit, afin de lui permettre de classer ces connaissances. D’où ces formes lui sont-elles nées ? Ici, les avis diffèrent. La pensée les tient, affirme le spiritualiste, de sa nature elle-même ; au contraire, si l’on en croit le positiviste, elles proviendraient de jugements portés par nos ancêtres et que leur fréquence a convertis en habitudes héréditaires. Mais, dans l’un et l’autre cas, l’idée générale n’a de valeur que relativement à nous qui la concevons et n’est plus autre chose qu’un de nos états psychiques. Les notions de substance, de cause, de force, ou telles autres que l’on voudra, ne réussissent donc pas mieux à nous révéler le dehors que n’ont fait les sensations de la vue et du toucher. Le raisonnement, non moins que la perception, donne gain de cause à l’idéalisme.