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g. lyon. — un idéaliste anglais au xviiie siècle.

C’est ainsi que la méthode critique apporte à l’ouvrage de Collier son complément naturel. Un corollaire de l’analytique transcendantale, telle serait la véritable fin de ce petit livre, si gros de choses et de pensées, si divers et si bigarré, curieux mélange où le sable s’allie à l’or pur, où les sophismes mêmes sont parfois le langage d’une droite raison. L’auteur est sans conteste un chercheur courageux qui voit le but, mais ne sait son chemin : de là ces tâtonnements, ces zigzags d’une marche sans cesse brisée. D’abord, il suit l’étroite mais sûre voie de la psychologie. Seulement, il s’arrête, quand il est près d’arriver. Il se jette alors dans le dédale d’une métaphysique mal débrouillée : les vérités s’offrent à sa vue, denses et redoublées ; un instant il découvre quelques-unes des thèses et des antithèses qu’échelonnera si habilement le critique de la raison pure ; mais il passe outre et bien vite, faute d’en découvrir la connexité et la loi. À son insu, il retrouve Parménide et il devinera Hegel, bien inférieur à tous les deux, parce qu’il aura été uniquement apte à saisir les vérités éparses, inhabile à les relier d’un trait continu. De la grande doctrine dont il a si clairement indiqué le principe fondamental et quelques-uns des plus brillants théorèmes, il aura ignoré le large développement. Pour tout dire, Arthur Collier est un métaphysicien d’une rare pénétration, à qui la méthode a manqué.

Georges Lyon.