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tation du dehors ; mais l’excitation du dedans (à savoir la volonté) est absente.

On peut se représenter le somnambule comme un individu placé dans une solitude où l’obscurité est complète et le silence absolu. Qu’une excitation quelconque vienne alors à frapper ses sens, cette excitation, qui aurait passé inaperçue dans une salle de spectacle éclairée et bruyante, devient toute puissante chez l’individu isolé. Voilà pourquoi chez le somnambule les excitations faibles, les suggestions insignifiantes deviennent le point de départ d’une série formidable de conceptions imaginatives.

Ces conceptions ont un caractère remarquable : elles sont nécessaires, fatales. Nul etïort de volonté ou d’attention ne peut en détourner le sens. De fait, chez le même individu, elles sont toujours identiques. Ainsi que, chez une même hystérique, les différentes formes de délire frénétique se succèdent avec une régularité, une ponctualité surprenantes, pareillement, chez un même somnambule, la série des hallucinations provoquées par une même excitation se succède toujours dans le même ordre. Les mêmes gestes, les mêmes mots, les mêmes expressions de physionomie se retrouvent à un an ou deux ans d’intervalle.

Pour peu qu’on admette cet automatisme intellectuel, on s’expliquera assez bien la plupart des caractères de l’idée hallucinatoire. Cette idée n’est pas spontanée : elle est produite par une excitation venue du dehors ; elle est unique, et par conséquent intense, faisant vibrer toute l’intelligence. Elle amène à sa suite une série d’idées qui sont la conséquence nécessaire de l’idée primitive. Tous les sentiments sont immédiatement et fatalement exprimés par des gestes et des attitudes appropriés. Rien ne peut en arrêter ou en modifier le cours. La volonté n’a plus aucun pouvoir sur l’intelligence déchaînée.

En résumé, il semble qu’on puisse admettre à côté de l’automatisme somatique un automatisme psychique. De même qu’il y a des réflexes bulbomédullaires, de même il y a aussi des réflexes cérébraux, psychiques. Dans le somnambulisme l’intelligence n’est pas annihilée : elle est devenue automatique. Ce rouage merveilleux fonctionne encore, mais ce n’est plus qu’un pur mécanisme, et aucune spontanéité ne vient modifier le cours fatal de ses mouvements.

Ce trouble profond des fonctions de l’intelligence n’est pas spécial à l’état somnambulique. Tous les poisons qui exercent leur action sur le cerveau et l’intelligence agissent d’une manière à peu près analogue. Il semble que le moi qui est la volonté soit plus facilement