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th. ribot. — les désordres partiels de la mémoire.

lement admises) de certaines portions de la protubérance, des pédoncules, de la couche optique, des hémisphères cérébraux. Ces structures, supérieures, par hypothèse, à la moyenne, sont parfaitement adaptées à recevoir et à transmettre les impressions. Par suite, les modifications que subissent les éléments nerveux, ainsi que les associations dynamiques qui se forment entre eux (ce sont là, nous l’avons répété plusieurs fois, les bases de la mémoire), doivent être plus stables, plus nettes, plus faciles à raviver que dans un autre cerveau. Cette conclusion s’impose. En somme, dire qu’un organe visuel a une bonne constitution anatomique et physiologique, c’est dire qu’il présente les conditions d’une bonne mémoire visuelle. — On peut aller plus loin et faire remarquer que ce terme : « une bonne mémoire visuelle, » est encore trop large. L’observation journalière ne nous montre-t-elle pas que l’un se rappelle mieux les formes ; un autre, les couleurs ? Il est vraisemblable que la première mémoire dépend surtout de la sensibilité musculaire de l’œil ; la seconde, de la rétine et des appareils nerveux qui s’y rattachent.

Ces remarques sont applicables à l’ouïe, à l’odorat, au goût et à ces formes diverses de la sensibilité que l’on comprend sous le nom général de toucher, en un mot à toutes les perceptions des sens.

Si l’on réfléchit aux relations intimes qui existent entre les sentiments, les émotions, la sensibilité en général et la constitution physique de chaque homme ; si l’on considère combien ces états physiques dépendent des organes de la vie animale ; on comprendra que ces organes jouent à quelques égards le même rôle pour les sentiments que les organes des sens pour les perceptions. Par suite des différences de constitution, les impressions transmises peuvent être faibles, intenses, stables, fugitives : autant de conditions qui modifient la mémoire des sentiments. La prépondérance d’un système d’organes (ceux de la génération par exemple) crée une supériorité pour un groupe de souvenirs.

Restent les états psychiques d’un ordre supérieur : les idées abstraites, les sentiments complexes. Ils ne peuvent être rattachés immédiatement à aucun organe ; le siège de leur production et de leur reproduction n’a pu être localisé jusqu’ici d’une manière précise. Mais, comme ils résultent sans aucun doute d’une association ou d’une dissociation des états primitifs, nous n’avons aucune raison de supposer que, en ce qui les concerne, les choses se passent différemment.

Tout ce qui précède peut donc se résumer en ces termes : chez le même homme, un développement inégal des divers sens et des