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Les excitations partielles résultent le plus souvent de causes morbides, — celles qui ont été indiquées plus haut ; mais il y a des cas où elles se produisent à l’état sain. En voici deux exemples :

« Une dame à la dernière période d’une maladie chronique fut conduite de Londres à la campagne. Sa petite fille, qui ne parlait pas encore (infant), lui fut amenée, et après une courte entrevue fut reconduite à la ville. La dame mourut quelques jours après. La fille grandit sans se rappeler sa mère jusqu’à l’âge mûr. Ce fut alors qu’elle eut l’occasion sans le savoir de visiter la chambre où sa mère était morte, en entrant dans cette chambre elle tressaillit ; comme on lui demandait la cause de son émotion : « J’ai, dit-elle, l’impression distincte d’être venue autrefois ici. Il y avait dans ce coin une dame couchée, paraissant très malade, qui se pencha sur moi et pleura[1]. »

« Un homme doué d’un tempérament artistique très marqué (ce point est à noter) alla avec des amis faire une partie près d’un château du comté de Sussex qu’il n’avait aucun souvenir d’avoir visité. En approchant de la grande porte, il eut une impression extrêmement vive de l’avoir déjà vue, et il revoyait non seulement cette porte, mais des gens installés sur le haut, et en bas, des ânes sous le porche. Cette conviction singulière s’imposant à lui, il s’adressa à sa mère pour avoir quelque éclaircissement sur ce point. Il apprit d’elle qu’étant âgé de seize mois, il avait été conduit en partie dans cet endroit, qu’il avait été porté dans un panier sur le dos d’un âne ; qu’il avait été laissé en bas avec les ânes et les domestiques, tandis que les plus âgés de la bande s’étaient installés pour manger au-dessus de la porte du château[2].

Le mécanisme du ressouvenir dans ces deux cas ne peut donner lieu à aucune équivoque. C’est une reviviscence par contiguïté dans l’espace. Ils présentent, seulement sous une forme plus frappante et plus rare, ce qui se rencontre à chaque instant dans la vie. À qui n’est-il pas arrivé, pour recouvrer un souvenir momentanément perdu, de retourner à l’endroit où l’idée a surgi, de se remettre autant que possible dans la même situation matérielle et de le voir renaître tout d’un coup.

Quant à l’hypermnésie de cause morbide, je n’en donnerai qu’un exemple pour servir de type.

« A l’âge de quatre ans, un enfant, par suite d’une fracture du crâne, subit l’opération du trépan. Revenu à la santé, il n’avait gardé aucun

  1. Abercrombie, Essay on intellectual Powers. p. 120.
  2. Carpenter, Mental Physiology, p. 431.