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rébral qui implique la possibilité d’états de conscience, quand leurs conditions d’existence se rencontrent.

La rapidité extrême des échanges nutritifs dans le cerveau, qui semble au premier abord une cause d’instabilité, explique au contraire la fixation des souvenirs. « La réparation, s’effectuant sur le trajet modifié, sert à enregistrer l’expérience. Ce n’est pas une simple intégration qui a lieu, mais une ré-intégration ; la substance est restaurée d’une façon spéciale après une modification spéciale ; ce qui t’ait que la modalité qui s’est produite est pour ainsi dire incorporée ou incarnée dans la structure de l’encéphale[1]. » Nous ouchons ici à la raison dernière de la mémoire dans l’ordre biologique : elle est une imprégnation. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un éminent chirurgien anglais, traitant de cette modificatien indélébile que les maladies infectieuses impriment aux tissus vivants, ait écrit le passage suivant, qui semble composé pour nous : « Comment peut-on supposer que le cerveau soit l’organe de la mémoire s’il change toujours ? Comment ce changement nutritif de toutes les molécules du cerveau ne détruit-il pas toute mémoire ? — Pour cette raison que, dans le processus nutritif, l’assimilation se fait d’une manière parfaitement exacte. L’effet produit par une impression sur le cerveau (que ce soit une perception ou un acte intellectuel) y est fixé et retenu, parce que la partie, quelle qu’elle soit, qui a été changée par cette impression, est exactement représentée par la partie qui lui succède dans le cours de la nutrition[2]. » Si paradoxal que puisse paraître un rapprochement entre une maladie infectieuse et la mémoire, il est donc rigoureusement exact, au point de vue biologique.

II. D’une manière générale, la reproduction des souvenirs paraît dépendre de l’état de la circulation. C’est une question bien plus obscure que la précédente et sur laquelle on n’a que des données très incomplètes. Une première difficulté vient de la rapidité des phénomènes et de leurs perpétuels changements. Une seconde vient de leur complexité : la production, en effet, ne dépend pas seulement de la circulation générale ; elle dépend aussi de la circulation particulière du cerveau, et il est vraisemblable qu’il y a, même dans celle-ci, des variations locales qui ont une grande influence. Ce n’est pas tout : il y a à tenir compte de la qualité du sang tout aussi bien que de sa quantité.

Il est impossible de déterminer, même grossièrement, le rôle de chacun de ces facteurs dans le mécanisme de la reproduction. Nous

  1. Maudsley, Physiologie de l’esprit, trad. Herzen, p. 140.
  2. J. Paget, Lectures on surgical Pathology, t. I, p. 52. Voir aussi Maudsley, ouvrage cité, p. 477, 478.