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th. ribot. — les désordres partiels de la mémoire.

devons nous borner à faire voir que la circulation et la reproduction présentent des variations corrélatives. Voici les principaux faits qu’on peut donner à l’appui.

La fièvre, à ses divers degrés, s’accompagne d’une suractivité cérébrale. La mémoire y participe pour une bonne part. Nous avons même vu jusqu’à quel point d’excitation surprenante elle peut atteindre. On sait que, dans la fièvre, la rapidité de la circulation est excessive, que le sang est altéré, qu’il est chargé d’éléments provenant d’une dénutrition trop rapide, d’un travail de combustion exagéré. Nous trouvons donc ici une variation en qualité et en quantité qui se traduit par une hypermnésie.

Même en dehors de l’état de fièvre, « des impressions triviales, qui n’ont offert aucun intérêt, survivent souvent dans la mémoire, quand des impressions bien plus importantes ou imposantes ont disparu. En considérant les circonstances, on trouvera souvent que ces impressions ont été reçues quand l’énergie était très élevée, quand l’exercice, le plaisir ou l’un et l’autre avaient grandement augmenté l’action du cœur. Les romanciers ont noté comme un trait de la nature humaine que dans les moments où une forte émotion a excité la circulation à un degré exceptionnel les groupes de sensations causées par les objets environnants peuvent être ravivés avec une grande clarté, souvent même en traversant la vie tout entière[1]. »

Remarquons encore combien la reproduction est facile et rapide dans cette période de la vie où le sang est poussé en courants rapides et abondants ; combien elle devient lente et difficile quand l’âge ralentit la circulation. Nous pouvons noter aussi que chez le vieillard la composition du sang a changé, qu’il est moins riche en globules et en albumine.

Chez les personnes épuisées par une longue maladie, la mémoire s’affaiblit avec la circulation. « Les sujets très nerveux chez qui l’action du cœur a grandement baissé se plaignent habituellement de perte de la mémoire… symptôme qui diminue à mesure que le taux normal de la circulation revient[2]. »

Il y a exaltation delà mémoire, quand la circulation a été modifiée par des stimulants, tels que le haschisch, l’opium, etc., qui excitent le système nerveux avant d’amener un état final de dépression. D’autres agents thérapeutiques produisent un effet contraire, par exemple le bromure de potassium, dont l’action est sédative, hypno-

  1. Herbert Spencer, Principes de psychologie, t. I, p. 239.
  2. Ibid., p. 241.