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p. tannery. — l’éducation platonicienne.

car Platon refuse sa cité aux avocats (rhéteurs), — et qu’une utopie, la revendication du pouvoir pour la science.

Cette utopie est, à vrai dire, la clef de voûte de l’édifice ; mais on peut ajouter qu’elle n’appartient pas en propre à Platon. Un autre sage, avant lui, non seulement l’avait conçue ; il s’était efforcé d’en faire une réalité.

On rapproche trop souvent de la cité spartiate l’État rêvé par le philosophe athénien ; si, en esquissant son idéal, il a emprunté quelques traits à ce modèle, c’était vers un passé, encore récent dans d’autres villes doriennes, qu’il dirigeait surtout ses regards. Les caractères qu’il trace pour ses fiers gardiens, cet amour de la science et de la philosophie, cette fraternité sublime, cette indomptable valeur, ce religieux respect pour l’autorité reconnue par eux, l’antiquité les a admirés dans les membres de ces sociétés pythagoriciennes, dont il avait pu voir les derniers et nobles débris. Que le sage de Samos ait lui-même obéi au mirage trompeur qu’offraient les castes orientales, en Égypte ou en Perse, cela est d’ailleurs assez probable ; il ne semble pas néanmoins qu’il faille chercher autre part que dans son génie la véritable origine pour l’idée créatrice des institutions auxquelles il a donné une vie passagère et qui ont provoqué le rêve platonicien.

Le trait dominant de cette idée consiste évidemment dans la tendance à dégager la science de l’étreinte de la religion et à la substituer, pour la direction suprême de l’État, à cette dernière, dont la déchéance est déjà reconnue inévitable. À la vérité, ni Pythagore, ni Platon, qui cependant à cet égard dépasse nettement son précurseur, n’ont été jusqu’au bout de cette tendance ; mais l’utopie n’est point morte ; elle a reparu de nos jours, rajeunie par un philosophe qui, lui aussi, fut particulièrement mathématicien ; elle constitue un des dogmes fondamentaux du positivisme, et elle attend patiemment l’heure opportune du triomphe.


II. — La division des sciences.

Si nous reconnaissons dans Platon un successeur de Pythagore, en tant du moins qu’il a conçu l’État comme soumis à la suprématie des sciences, nous constatons, dès le premier pas, lorsqu’il s’agit de la classification à faire de celles-ci, que, tout en suivant les traces de son précurseur, l’auteur de la République tient à affirmer son indépendance.

Pythagore avait dit : « Il y a quatre degrés de la sagesse, l’arith-