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de l’enfant. En même temps, la sensibilité s’émeut, et une multitude de petits plaisirs et de petites peines, comme les vagues qui rident la surface d’un lac, viennent agiter les parties superficielles du système nerveux. La mémoire s’empare de ces acquisitions des sens, et des souvenirs se forment. L’idée ou du moins l’image se fixe dans l’esprit. De là et dès les premiers mois de l’enfance la possibilité du rêve et de l’hallucination.

L’hallucination est un phénomène complexe dont nous n’avons pas à décrire ici toutes les formes. Il n’est guère plus possible de contester aujourd’hui que les perceptions fausses qui la constituent dérivent à la fois d’une lésion, d’une altération, d’un désordre quelconque dans les organes des sens, et d’une perturbation plus profonde qui affecte les centres nerveux et par suite la mémoire et l’imagination. On ne peut accepter ni l’opinion extrême d’Esquirol, de Leuret, de Lélut, pour lesquels l’hallucination n’est qu’une idée projetée au dehors et par suite une perturbation purement mentale, ni la thèse contraire de M. Luys, qui ne voit dans l’hallucination qu’un fait purement physiologique, qu’une lésion localisée dans les organes des sens et les ganglions nerveux. Sans doute la participation de l’organe sensible aux illusions de l’halluciné est démontrée par les faits, notamment par ce que les aliénistes appellent les hallucinations dédoublées. Le malade voit de l’œil gauche un fantôme qui n’est nullement visible pour l’œil droit. De même pour le déplacement de l’image qui se transporte d’un point à un autre lorsqu’on fait mouvoir le globe de l’œil. De même encore pour cette observation si précise qui établit que les hallucinations accompagnent parfois les maladies de l’œil, par exemple les ulcérations de la cornée. Mais la participation de l’intelligence n’est pas moins certaine. Un halluciné de la vue verra des clartés célestes ou des flammes infernales, selon qu’il sera religieux ou impie. Les habitudes du caractère les pensées familières, les sentiments invétérés donnent à chaque hallucination, selon les individus, une physionomie propre. Les habitants des villes ont des hallucinations autrement compliquées que les paysans. En un mot, l’imagination intervient, fournit des aliments à l’hallucination. Il est même probable qu’elle en est le plus souvent le point de départ et la cause. L’imagination excitée, exaltée, trouble les sens à leur tour et y détermine des représentations illusoires. Les conditions normales sont alors détruites et comme renversées. En effet tandis que la perception est une sensation devenue idée, l’hallucination est une idée devenue sensation.

L’imagination est encore trop peu développée chez l’enfant pour que l’on puisse s’attendre à rencontrer fréquemment chez lui les