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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/103

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ANALYSES. — WATSON. Kant and English critics.

« L’idéalisme psychologique, comme Kant l’appelle, consiste à supposer qu’il n’y a que des êtres pensants, tous les autres êtres que nous supposons connus par la perception n’étant que des représentations dans les êtres pensants auxquels ne correspond aucun objet extérieur. »

Pour Kant, au contraire, sans parler des noumènes que nous ne pouvons connaître en eux-mêmes, il y a autre chose qu’une série de représentations internes. Les objets existent dans l’espace aussi bien que dans le temps, et c’est cette existence dans l’espace où ils sont donnés qui distingue la connaissance objective des fantaisies de l’imagination. Sans dépasser la sphère des phénomènes et de la conscience, Kant peut ainsi attribuer aux choses qui sont dans l’espace un caractère de fixité qui manque complètement aux simples états de conscience successifs.

Pour démontrer cette doctrine, il part de ce fait, accordé par tout le monde, que nous avons conscience de notre propre existence déterminée dans le temps ; en d’autres termes, que nous avons conscience d’une série d’états successifs. Mais nous ne pouvons connaître ces états comme successifs ou déterminés dans le temps, si nous ne connaissons quelque chose de permanent : les deux connaissances sont corrélatives. Où trouver ce quelque chose de permanent ? Nous en avons bien l’idée ; mais cela ne suffit pas. Il faut quelque chose qui soit permanent non en idée, mais en réalité. D’une manière générale, ce n’est pas en moi que je puis le rencontrer, car le moi lui-même ne peut exister et être déterminé dans le temps que grâce à cette chose permanente. Il faut se garder ici de confondre le moi abstrait de la conscience avec le moi réel et agissant : le premier, privé de toute détermination, par conséquent hors du temps, ne saurait être corrélatif aux déterminations du temps. Ce que nous cherchons ici pour rendre possible la connaissance d’états déterminés dans le temps, c’est quelque chose qui, étant permanent, soit aussi dans le temps. Or, puisque nos idées sont elles-mêmes essentiellement transitoires, c’est seulement dans l’espace que nous pourrons le trouver ; la conscience de nos états internes implique donc nécessairement la conscience de choses extérieures dans l’espace. « Le permanent n’est donc pas en moi, il n’est pas simplement l’idée d’une chose hors de moi, il est une chose hors de moi, c’est-à-dire dans l’espace. L’idéaliste est ainsi forcé d’admettre que le permanent n’est pas hors de la conscience ; mais seulement hors d’une simple série d’états de conscience ; en d’autres termes, les phénomènes externes sont connus directement comme phénomènes internes. Ainsi l’opposition entre les pures idées et les choses hors de la conscience est transformée par Kant en une distinction toute relative entre les états réels internes, et les choses réelles extérieures, les uns et les autres étant également, dans le langage de Kant, des phénomènes, au lieu que les uns soient des phénomènes et les autres des choses en soi, comme dirait l’idéaliste cartésien, ou que les états intérieurs