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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/104

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soient seuls réels, et les choses extérieures des non-êtres, comme dirait le disciple de Berkeley, » — Ces choses réellement données dans l’espace, et bien distinctes des choses en soi, voila ce que Kant désigne dans les Prolégomènes sous le nom assez impropre, mais tout provisoire, de noumènes. Ainsi, suivant M. Watson, il n’y a pas contradiction entre les Prolégomènes et la Réfutation de l’idéalisme.

Pour mieux montrer l’opposition du criticisme et de l’empirisme sur une question du plus haut intérêt, M. Watson expose les principaux points de la métaphysique de la nature, de Kant, et la doctrine de M. Spencer, telle qu’elle est contenue dans le troisième chapitre de la deuxième partie des Premiers principes. — Résumons brièvement cette discussion.

Quand la métaphysique générale a expliqué comment les catégories et les schèmes, en s’appliquant à la multiplicité sensible, rendent la connaissance possible, il reste à appliquer les principes ainsi produits à cette partie des données sensibles qui forme le monde matériel : tel est l’objet de la métaphysique de la nature. Il ne s’agit pas, bien entendu, de déterminer les lois particulières de la nature, c’est l’affaire des sciences, mais de considérer les objets extérieurs dans leurs relations universelles et abstraites, et de montrer les lois générales auxquelles ils sont soumis.

Suivant le fil conducteur des catégories, Kant distingue dans la métaphysique de la nature quatre parties : à la catégorie de la quantité correspond la phoronomie, métaphysique du mouvement, où la matière est considérée seulement comme ce qui est capable de se mouvoir ; — à la qualité correspond la dynamique, métaphysique de la matière, où la matière est définie : ce qui occupe un espace ; — à la relation correspond la mécanique, métaphysique de la force, où la matière est définie : ce qui possède une force, source de mouvement ; — à la modalité correspond la phénoménologie, métaphysique de l’expérience, où la matière est définie : ce qui est un objet d’expérience.

Dans la phoronomie, Kant rappelle que l’espace absolu n’est qu’une conception logique ; il montre qu’il n’y a pas non plus de mouvement absolu. Le mouvement, toujours relatif, peut être défini : « le changement des relations externes d’une chose par rapport à un espace donné. » Le repos n’est pas une pure négation du mouvement : c’est « la présence permanente d’une chose à une même place ». Ces principes posés, il détermine les lois du mouvement, correspondant à l’unité, la pluralité, la totalité.

Dire que dans la dynamique on considère la matière comme occupant un espace, c’est dire qu’on la regarde comme s’opposant à l’entrée d’un autre corps dans l’espace qu’elle occupe, en d’autres termes, comme douée d’une force de résistance ou de répulsion. Cette force peut croître ou décroître à l’infini, suivant qu’elle lutte contre des forces plus ou moins grandes ; mais l’espace qu’occupe la matière ne peut jamais être réduit à