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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/109

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ANALYSES. — WATSON. Kant and English critics.

simples de la connaissance ne sont pas distinguées du premier coup d’œil, et par suite la force est le dernier élément qui, dans la conception scientifique du monde, apparaisse dans la conscience. »

Nous laissons de côté les objections que M. Watson dirige contre la démonstration des trois lois de la mécanique donnée par M. Spencer. Nous devons aussi nous borner à signaler le chapitre, plein d’observations pénétrantes, où il montre que, en dépit des apparences, la distinction des phénomènes et des noumènes de Kant est tout autre chose que la séparation établie par M. Spencer entre le connaissable et l’inconnaissable.

L’idée principale sur laquelle repose toute cette critique de l’empirisme, c’est qu’il ne faut pas confondre la simple sensation considérée comme un état de conscience, toute passive par conséquent, avec l’idée dont cette sensation est sans doute un élément, mais qui est l’œuvre de l’activité de l’esprit, s’exerçant sur la matière qui lui est fournie. Le même reproche qu’il adresse aux empiristes, M. Watson l’adresse à Kant lui-même. Du moins, car il ne faut rien exagérer, si Kant est le premier qui ait mis en lumière l’union étroite de ce que l’esprit reçoit et de ce qu’il met de lui-même dans la connaissance, il a encore trop souvent séparé et isolé ces deux éléments. C’est en ce sens, et en allant plus loin que lui dans la voie qu’il a la gloire d’avoir ouverte, que sa doctrine doit être développée.

Il faut convenir que, abusant des divisions logiques, nous sommes toujours portés à distinguer les sensations brutes, si j’ose dire, immédiatement données, de l’élaboration que la pensée leur fait subir. Il y aurait comme deux stades, deux actes distincts de l’esprit. Là est l’illusion. Il n’y a pas de sensation brute ; et M. Watson a soin de n’employer jamais, au lieu de ce terme équivoque : la sensation, que l’expression the manifold of sense. Au moment où elle arrive à la conscience, la sensation a déjà subi l’application des lois de l’esprit. Les schèmes, les catégories, ne sont pas des choses distinctes dans le temps, qui arrivent l’une après l’autre et se juxtaposent on ne sait comment. La sensation est schématisée, puis soumise aux catégories avant que nous ayons eu le temps d’y prendre garde. C’est seulement par abstraction que nous pouvons, et que nous devons, distinguer les divers éléments, inséparables dans l’acte concret de la représentation. Seulement, comme il arrive souvent, nous sommes dupes de nos abstractions, et nous substituons à une distinction purement logique une séparation dans le temps.

On est donc en droit de reprocher à Kant l’emploi des expressions matière et forme de la connaissance, qui semble impliquer une séparation trop profonde. La forme ne s’ajoute pas à la matière après coup ; elle n’est que la manière dont cette matière apparaît à l’esprit. Par suite, c’est mal parler que de considérer la multiplicité sensible comme donnée, tandis que la forme serait appliquée par l’intelligence : l’une et l’autre sont données exactement au même titre. « Au point de vue