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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/149

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RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

les troubles fonctionnels. L’anesthésie des sens spéciaux ou de la sensibilité générale, les hyperesthésies, les désordres de la motilité, contractures, convulsions, paralysies, les troubles des fonctions organiques, vaso-motrices, sécrétoires, etc., qui se succèdent ou coexistent, tiennent l’organisme en état perpétuel d’équilibre instable[1], et le caractère qui n’est que l’expression psychique de d’organisme varie de même. Un caractère stable sur des bases si chancelantes serait un miracle. Nous trouvons donc ici la vraie cause de l’impuissance de la volonté à être, et cette impuissance est, comme nous l’avons dit, constitutionnelle.

Des faits, en apparence contradictoires, confites cette thèse. Les hystériques sont quelquefois possédées par une idée fixe, invincible. L’une se refuse à manger, une autre à parler, une autre à voir, parce que le travail de la digestion, l’exercice de la voix ou de la vision détermineraient, à ce qu’elles prétendent, une douleur. Plus fréquemment, on rencontre ce genre de paralysie qui a été appelée « psychique » ou « idéale ». L’hystérique reste couchée des semaines, des mois et même des années, se croyant incapable de rester debout ou de marcher. Un choc moral ou tout simplement l’influence d’une personne qui gagne sa confiance ou agit avec autorité, produit la guérison. L’une se met à marcher à l’annonce d’un incendie, une autre se lève et va à la rencontre d’un frère absent depuis longtemps, une autre se décide à manger par crainte du médecin. Briquet, dans son Traité de l’hystérie, rapporte plusieurs cas de femmes qu’il a guéries, en leur inspirant la foi en leur guérison. On pourrait mentionner encore bon nombre de ces guérisons dites miraculeuses, qui ont défrayé la curiosité publique depuis l’époque du diacre Paris jusqu’à nos jours.

Les causes physiologiques de ces paralysies sont très discutées. Dans l’ordre psychologique, nous constatons l’existence d’une idée fixe dont le résultat est un arrêt. Comme une idée n’existe pas par elle-même et sans certaines conditions cérébrales, comme elle n’est qu’une partie d’un tout psychophysiologique, — la partie consciente, — il faut admettre qu’elle répond à un état anormal de l’organisme, peut-être des centres moteurs et qu’elle tire de là son origine. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas là, comme certains médecins l’ont soutenu avec insistance, une « exaltation » de la volonté ; c’en est au contraire l’absence. Nous retrouvons un type morbide déjà étudié et qui ne diffère des impulsions irrésistibles que dans la forme : il est inhibitoire. Mais il n’y a contre l’idée fixe aucune réaction venant directement de l’indi-

  1. Pour le détail des faits, voir l’ouvrage cité, p. 987-1013.