Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
revue philosophique

vidu. C’est une influence étrangère qui s’impose et produit un état de conscience contraire, avec les sentiments et états physiologiques concomitants. Il en résulte une impulsion puissante à l’action, qui supprime et remplace l’état d’arrêt ; mais c’est à peine une volition, tout au plus une volition avec l’aide d’autrui.

Ce groupe de faits nous conduit donc à la même conclusion : impuisance de la volonté à se constituer[1].

II

Les cas d’anéantissement de la volonté, dont nous abordons maintenant l’étude, sont ceux où il n’y a ni choix ni actes. Lorsque toute l’activité psychique est ou semble complètement suspendue, comme dans le sommeil profond, l’anesthésie provoquée, le coma et les états analogues, c’est un retour à la vie végétative : nous n’avons rien à en dire ; la volonté disparaît, parce que tout disparaît. Ici, il s’agit des cas où une forme d’activité mentale persiste, sans qu’il y ait aucune possibilité de choix suivi d’acte. Cet anéantissement de la volonté se rencontre dans l’extase et le somnambulisme.

On a distingué diverses sortes d’extase : profane, mystique, morbide, physiologique, cataleptique, somnambulique, etc. Ces distinctions n’importent pas ici, l’état mental restant au fond le même. La plupart des extatiques atteignent cet état naturellement, par un effet de leur constitution. D’autres secondent la nature par des procédés artificiels. La littérature religieuse et philosophique de l’Orient, de l’Inde en particulier, abonde en documents dont on a pu extraire une sorte de manuel opératoire pour parvenir à l’extase. Se tenir immobile, regarder fixement le ciel, ou un objet lumineux, ou le bout du nez, ou son nombril (comme les moines du Mont-Athos appelés omphalopsyches), répéter continuellement le monosyllabe Oum, (Brahm) en se représentant l’être suprême ; « retenir son haleine », c’est-à-dire ralentir sa respiration ; « ne s’inquiéter ni du temps ni du lieu » : tels sont les moyens qui « font ressembler à la lumière paisible d’une lampe placée en un lieu où le vent ne souffle pas[2] ».

Quand cet état est atteint, l’extatique présente certains caractères

  1. Pour les faits, voir Briquet, Traité de l’hystérie, ch.  X ; Axenfeld et Huchard, ouvr. cit., pp. 967-1012 ; Cruveilhier, Anatomie pathologique, liv.  XXXV, p. 4 ; Macario, Ann. médico-psychol., tome III, p. 62 ; Ch. Richet, Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1880 ; P. Richer, Études cliniques sur l’hystéro-épilepsie, etc., 3e p., ch.  II et les notes historiques.
  2. Bhégavad-gita, VI.