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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/162

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rappelle les cas morbides précédemment étudiés, en particulier les impulsions irrésistibles{qui, à elles seules, représentent la pathologie de la volonté presque entière, il reconnaîtra que toutes se réduisent à cette formule : absence de coordination hiérarchique, action indépendante, irrégulière, isolée, anarchique.

Si donc nous considérons la volonté soit dans ses éléments constituants, soit dans les phases successives de sa genèse (et les deux aspects sont inséparables), nous voyons que la volition, son résultat dernier, n’est pas un événement survenant on ne sait d’où ; mais qu’elle plonge ses racines au plus profond de l’individu et, au delà de l’individu, dans l’espèce et les espèces. Elle ne vient pas d’en haut, mais d’en bas ; elle est une sublimation des éléments inférieurs. Je comparerais la volition, une fois affirmée, à ce que l’on appelle en architecture une clef de voûte. À cette pierre, la voûte doit plus sa solidité, son existence ; mais cette pierre ne tire sa puissance que des autres qui la soutiennent et l’enserrent, comme à son tour elle les presse et les affermit.

Ces préliminaires bien abrégés étaient indispensables pour comprendre la loi qui régit la dissolution de la volonté ; car, si les considérations qui précèdent sont justes, comme la dissolution suit toujours l’ordre inverse de l’évolution, il s’ensuit que les manifestations volontaires les plus complexes doivent disparaître avant les plus simples, les plus simples avant l’automatisme. Pour donner à l’énoncé de la loi sa forme exacte, en traitant la volition non comme un événement singulier, mais comme la manifestation la plus haute de l’activité, nous dirons : La dissolution suit une marche régressive du plus volontaire et du plus complexe au moins volontaire et au plus simple, c’est-à-dire à l’automatisme.

Il s’agit maintenant de montrer que cette loi est vérifiée par les faits. Nous n’avons qu’à choisir.

En 1868, Hughlings Jackson, étudiant certains désordres du système nerveux, fit remarquer, le premier, je crois, « que les mouvements et facultés les plus volontaires et les plus spéciaux sont atteints tout d’abord et plus que les autres. » Ce « principe de dissolution » ou de « réduction à un état plus automatique » fut posé par lui comme le corrélatif des doctrines de Herbert Spencer sur l’évolution du système nerveux. Il prend un cas des plus simples, l’hémiplégie commune par lésion du corps strié[1]. Un caillot sanguin a fait pour nous une expérience. Nous voyons que le patient, dont la face, la langue, le bras et la jambe sont paralysés, a perdu les mouvements les plus

  1. Clinical and physiological Researches on the nervous System, 1875.