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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/171

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RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

mouvements déterminés, localisés. Ces points semblent bien plutôt devoir être considérés comme des centres d’association volontaire que comme des centres moteurs proprement dits. Ils seraient le siège d’incitations aux mouvements volontaires et non les points de départ véritables du mouvement. On pourrait plutôt les assimiler aux organes sensibles périphériques qu’aux appareils moteurs des cornes antérieures de la moelle. Ces centres seraient donc psycho-moteurs, parce qu’ils commandent par leur action toute psychique à de véritables appareils moteurs… Nous pensons que les différents points indiqués comme centres moteurs des membres, de la face, etc., correspondent aux appareils qui reçoivent et transforment en incitation volontaire les sensations d’origine périphérique. Ce serait des centres volitifs et non de véritables centres moteurs[1]. »

Malgré cette question pendante, dont la solution intéresse la psychologie au moins autant que la physiologie, malgré des dissentiments de détail que nous avons négligés, notamment les incertitudes sur le rôle du cervelet, on peut dire avec Charlton Bastian que, si depuis le temps de Hume nous n’avons pas encore appris dans le sens complet du terme les moyens par lesquels les mouvements de notre corps suivent les commandements de notre volonté, nous avons du moins appris quelque chose sur les parties principalement intéressées et par conséquent sur la route que suivent les excitations volontaires.

II. En examinant la question par son côté psychologique, la coordination volontaire revêt tant de formes et est susceptible de tant de degrés, qu’il faut se borner à noter les principales étapes. Son seul caractère essentiel, c’est d’être un choix, si faible qu’il soit. La volition peut être indifféremment agréable ou désagréable, impulsive ou inhibitoire, ou mixte : elle n’a qu’une marque qui lui soit propre, — elle est une préférence.

Insistons sur ce caractère fondamental, et essayons de l’éclaircir. En descendant à quelques faits biologiques très humbles, nous verrons mieux peut-être en quoi consiste un choix. Pour ne pas m’égarer dans de lointaines analogies, je ne dirai rien de l’affinité physique (par exemple de l’aimant pour le fer). Dans le règne végétal, je rappellerai seulement que les plantes insectivores, comme la dionée, choisissent, à l’exclusion des autres, certains corps qui viennent à leur contact. L’amibe choisit de même certains fragments organiques dont elle se nourrit. Ces faits sont incontestables : l’interprétation est difficile. On les explique, en général, par un rapport de composition

  1. François Franck, loc. cit., pp. 577, 578.