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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/172

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moléculaire entre ce qui choisit et ce qui est choisi. Sans doute ici le choix s’exerce dans un champ très restreint ; mais aussi n’en est-ce que la forme la plus grossière, presque physique. La naissance et le développement d’un système nerveux de plus en plus complexe transforment cette affinité aveugle en une tendance consciente, puis en plusieurs tendances contradictoires dont l’une l’emporte, — celle qui représente le maximum d’affinité (le chien qui hésite entre plusieurs mets et finit par en choisir un). Mais partout le choix exprime la nature de l’individu, à un moment donné, dans des circonstances données et à un-degré donné ; c’est-à-dire que plus l’affinité est faible, moins la préférence est marquée. Nous pouvons donc dire que le choix, qu’il résulte d’une tendance, de plusieurs tendances, d’une sensation présente, d’images rappelées, d’idées complexes, de calculs compliqués et projetés dans l’avenir, est toujours fondé sur une affinité, une analogie de nature, une adaptation. Cela est vrai chez l’animal inférieur ou supérieur et chez l’homme, pour le vice ou la vertu, la science ou le plaisir ou l’ambition. Pour nous en tenir à l’homme, deux ou plusieurs états de conscience surgissent à titre de buts possibles d’action : après des oscillations, l’un est préféré, choisi. Pourquoi, sinon parce que, entre cet état et la somme des états conscients, subconscients et inconscients (purement physiologiques) qui constituent en ce moment la personne, le moi, il y a convenance, analogie de nature, affinité ? C’est la seule explication possible du choix, à moins d’admettre qu’il est sans cause. On me propose de tuer un ami : cette tendance est repoussée avec horreur, exclue ; c’est-à-dire qu’elle est en contradiction avec mes autres tendances et sentiments, qu’il n’y a aucune association possible entre elle et eux et que par là même elle est annihilée. Chez le criminel, au contraire, entre la représentation de l’assassinat et les sentiments de haine ou de cupidité, un lien de convenance, c’est-à-dire d’analogie, s’établit ; il est par suite choisi, affirmé comme devant être. Considérée comme état de conscience, la volition n’est donc rien de plus qu’une affirmation (ou une négation). Elle est analogue au jugement, avec cette différence que l’un exprime un rapport de convenance (ou de disconvenance) entre des idées, l’autre un rapport de convenance ou de disconvenance entre des tendances ; que l’un est un repos pour l’esprit, l’autre une étape vers l’action ; que l’un est une acquisition, l’autre une aliénation ; car l’intelligence est une épargne et la volonté une dépense. Mais la volition, par elle-même, à titre d’état de conscience, n’a pas plus d’efficacité pour produire un acte que le jugement pour produire la vérité. L’efficacité vient d’ailleurs. Nous reviendrons plus loin sur ce point très important.