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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/174

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soi et si l’on consulte les poètes et les moralistes de tous les temps, répétant à l’envi qu’il y a deux hommes en nous. Le nombre de ces coordinations successives peut être encore plus grand ; mais il serait oiseux de poursuivre cette analyse.

Encore un pas, et nous entrons dans la pathologie. Rappelons les impulsions brusques, irrésistibles, qui tiennent à chaque instant la volonté en échec ; c’est une tendance hypertrophiée qui rompt sans cesse l’équilibre, à qui son intensité ne permet plus de se coordonner avec les autres : elle sort des rangs, elle ordonne au lieu de se subordonner. Puis quand ces impulsions ne sont plus un accident mais une habitude, un côté du caractère mais le caractère, il n’y a plus que des coordinations intermittentes ; c’est la volonté qui devient exception.

Plus bas encore, elle devient un simple accident. Dans la succession indéfinie des impulsions qui varient d’une minute à l’autre, une volition précaire trouve à peine de loin en loin ses conditions d’existence. Il n’y a plus que des caprices. Le caractère hystérique nous a fourni le type de cette incoordination parfaite. Nous voici donc à autre bout.

Au-dessous, il n’y a plus de maladies de la volonté, mais un arrêt de développement qui l’empêche de jamais naître. Tel est l’état des idiots et des faibles d’esprit. Nous en dirons ici quelques mots pour compléter notre étude pathologique.

« Dans l’idiotie profonde, dit Griesinger, les efforts et les déterminations sont toujours instinctifs ; ils sont provoqués surtout par le besoin de nourriture ; le plus souvent, ils ont le caractère d’actions réflexes dont l’individu a à peine conscience. Certaines idées simples peuvent encore provoquer des efforts et des mouvements, par exemple, de jouer avec de petits morceaux de papier… Sans parler de ceux qui sont plongés dans l’idiotie la plus profonde, on en est à se demander : y a-t-il en eux quelque chose qui représente la volonté ? Qu’est-ce qui peut vouloir en eux ?

« Chez beaucoup d’idiots de cette dernière classe, la seule chose qui paraisse mettre un peu leur esprit en mouvement, c’est le désir de manger. Les idiots les plus profonds ne manifestent ce besoin que par de l’agitation et des grognements. Ceux chez qui la dégénérescence est moins profonde remuent un peu les lèvres et les mains, ou bien pleurent : c’est ainsi qu’ils expriment qu’ils veulent manger…

« Dans l’idiotie légère, le fond du caractère est l’inconstance et l’obtusion du sentiment et la faiblesse de la volonté. L’humeur de ces individus dépend de leur entourage et des traitements dont ils