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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/175

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RIBOT. — l’anéantissement de la volonté

sont l’objet : dociles et obéissants quand on en prend soin, méchants et malicieux quand on les maltraite[1]. »

Avant d’en finir avec ce sujet, nous ferons encore remarquer que si la volonté est une coordination, c’est-à-dire une somme de rapports, on peut prédire à priori qu’elle se produira beaucoup plus rarement que les formes plus simples d’activité parce que un état complexe a beaucoup moins de chances de se produire et de durer qu’un état simple. Ainsi vont les choses en réalité. Si l’on compte dans chaque vie humaine ce qui doit être inscrit au compte de l’automatisme, de l’habitude, des passions et surtout de l’imitation, on verra que le nombre des actes purement volontaires, au sens strict du mot, est bien petit. Pour la plupart des hommes, l’imitation suffit ; ils se contentent de ce qui a été de la volonté chez d’autres, et, comme ils pensent avec les idées de tout le monde, ils agissent avec la volonté de tout le monde. Prise entre les habitudes qui la rendent inutiles et les maladies qui la mutilent ou la détruisent, la volonté est, ainsi que nous l’avons dit plus haut, un accident heureux.

Est-il enfin nécessaire de faire remarquer combien cette coordination, à complexité croissante, des tendances, qui forme les étages de la volonté, est semblable à la coordination à complexité croissante des perceptions et des images, qui constitue les divers degrés de l’intelligence, l’une ayant pour base et condition fondamentale le caractère, l’autre pour base et condition fondamentale les « formes de la pensée », toutes deux étant une adaptation plus ou moins complète de l’être à son milieu, dans l’ordre de l’action ou dans l’ordre de la connaissance ?

Nous sommes maintenant préparés à la conclusion générale de ce travail, indiquée déjà plusieurs fois en passant. Elle éclairera, je l’espère, d’un jour rétrospectif, le chemin parcouru. La voici :

La volition est un état de conscience final qui résulte de la coordination plus ou moins complexe d’un groupe d’états, conscients, subconscients ou inconscients (purement physiologiques), qui tous réunis se traduisent par une action ou un arrêt. La coordination a pour facteur principal le caractère qui n’est que l’expression psychique d’un organisme individuel. C’est le caractère qui donne à la coordination son unité, — non l’unité abstraite d’un point mathématique, mais l’unité concrète d’un consensus. L’acte par lequel cette coordination se fait et s’affirme est le choix, fondé sur une affinité de nature.

  1. Griesinger, Traité des maladies mentales, trad. française, pp. 433, 434.