Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
revue philosophique

La volition que les psychologues intérieurs ont si souvent observée, analysée, commentée, n’est donc pour nous qu’un simple état de conscience. Elle n’est qu’un effet de ce travail psychophysiologique, tant de fois décrit, dont une partie seulement entre dans la conscience sous la forme d’une délibération. De plus, elle n’est la cause de rien. Les actes et mouvements qui la suivent résultent directement des tendances, sentiments, images et idées qui ont abouti à se coordonner sous la forme d’un choix. C’est de ce groupe que vient toute l’efficacité. En d’autres termes, — et pour ne laisser aucune équivoque, — le travail psychophysiologique de la délibération aboutit d’une part à un état de conscience, la volition, d’autre part à un ensemble de mouvement ou d’arrêts. Le « je veux » constate une situation, mais ne la constitue pas. Je le comparerais au verdict d’un jury qui peut être le résultat d’une instruction criminelle très longue, de débats très passionnés, qui sera suivi de conséquences graves s’étendant sur un long avenir, mais qui est un effet sans être une cause, n’étant en droit qu’une simple constatation.

Si l’on s’obstine à faire de la volonté une faculté, une entité, tout devient obscurité, embarras, contradiction. On est pris au piège d’une question mal posée. Si l’on accepte au contraire les faits comme ils sont, on se débarrasse au moins des difficultés factices, On n’a pas à se demander, après Hume et tant d’autres, comment : un « je veux » peut faire mouvoir mes membres. C’est un mystère qu’il n’y a pas lieu d’éclaircir, puisqu’il n’existe pas, puisque la volition n’est cause à aucun degré. C’est dans la tendance naturelle des sentiments et des images à se traduire en mouvements que le secret des actes produits doit être cherché. Nous n’avons ici qu’un cas extrêmement compliqué de la loi des réflexes, dans lequel entre la période dite d’excitation et la période motrice apparaît un fait psychique capital — la volition — montrant que la première période finit et que la seconde commence.

Qu’on remarque aussi comment cette maladie bizarre qu’on nomme l’aboulie s’explique maintenant sans difficulté, et avec elle les formes analogues étudiées plus haut[1], et même cette simple faiblesse de la volonté à peine morbide, si fréquente pourtant chez les gens qui disent vouloir et n’agissent pas. C’est que l’organisme individuel, source d’où tout sort, avait deux effets à produire et n’en produit qu’un : l’état de conscience, le choix, l’affirmation ; mais les tendances motrices sont trop faibles pour se traduire en actes. Il y a coordination suffisante et impulsion insuffisante. Dans les actes irré-

  1. Voir la Revue philosophique, octobre 1889.