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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/208

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cailloux à sa portée. Celui qui mangeait de la mousse y est revenu, à notre jugement plusieurs fois. Enfin ceux qui vivent par couples comme nous le dirons tout à l’heure, savent qu’ils trouveront leur partenaire près de l’orifice et le cherchent. Aucun de ces faits, nous le reconnaissons, n’est absolument décisif, et nous ne sommes plus à portée d’un endroit favorable pour continuer ces expériences. Autre question : un ver sorti de son trou peut-il le retrouver ? Nous croyons que, quand il n’est pas effrayé et circule librement à une petite distance pour manger la terre molle et brouter la mousse, cette reconnaissance des lieux lui est facile ; mais la vérification positive est à faire.

5o Association et combinaison. — L’intelligence étant définie un pouvoir d’adapter des actes d’une manière spéciale à des circonstances variées, par opposition à l’instinct qui est dans une certaine mesure invariable et spécifique, Darwin n’hésite pas, après une multitude d’expériences quantitatives et une discussion approfondie, à conclure que les vers sont à quelque degré intelligents. « En résumé, comme ce n’est pas le hasard qui détermine la façon dont les objets sont introduits dans les galeries, et que l’existence d’instincts spéciaux pour chaque cas particulier ne saurait être admise, la supposition qui se présente d’abord est que les vers essayent dé toutes les méthodes jusqu’à ce qu’ils finissent par réussir ; mais beaucoup de phénomènes s’opposent à une telle supposition (les triangles de papier sont saisis en beaucoup de cas d’emblée par le sommet, c’est-à-dire par le point le plus favorable). Il ne reste qu’une solution possible, à savoir que les vers, bien que placés très bas dans l’échelle des êtres organisés, possèdent un certain degré d’intelligence. » (P. 80.) Nous ajouterons une remarque à cette conclusion si autorisée. Nous avons vu des vers brouter de la mousse et de la terre en plein jour par un beau soleil, entre deux averses, dans l’endroit le plus reculé du jardin, et plusieurs se livraient au même endroit, également de jour, à leurs travaux habituels. Ils sortaient donc, en raison des circonstances favorables, de leurs habitudes spécifiques nocturnes, bien que l’impression de la lumière soit accompagnée chez eux d’ordinaire d’un sentiment de défiance. Il est vrai qu’alors ils étaient très circonspects et rentraient au plus léger bruit. Mais c’est dans leur industrie que se révèle le mieux leur intelligence, puisque, pour couvrir leurs trous, ils se servent indifféremment, avec des procédés variables, de tous les objets qu’on met à leur portée, même quand ces objets sont de telle origine qu’ils n’ont pu antérieurement être connus d’eux, comme par exemple des fragments de vitre.

Phénomènes de volonté. — Les vers travaillent à satisfaire trois besoins principaux : celui de la nutrition par la recherche des aliments, celui de la reproduction par la recherche des individus capables d’accouplement, celui de la protection par la construction d’un abri. De ces trois activités, deux sont l’objet d’une véritable industrie, la recherche des aliments et la construction d’un abri ; la troisième rentre selon certaines classifications dans l’étude des phénomènes affectifs : mais