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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/214

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Nous nous sommes étendu à dessein sur cette division de l’ouvrage ; nous n’avons nullement l’intention de reprendre une à une chacune de ses parties, ni de nous attarder à l’exposition et à la discussion des opinions de détail qui sont du domaine de la logique pure. Nous nous attacherons par-dessus tout à faire ressortir l’idée philosophique, d’un intérêt plus large et d’une portée plus grande, qui est comme répandue dans l’œuvre tout entière, au travers de laquelle elle se développe ; nous aurons par suite à insister particulièrement sur la seconde partie, qui en contient l’exposé systématique.

I

L’acte élémentaire de la pensée, qui est la base et la condition de tout jugement (Urtheil, proposition), partant, de tout raisonnement, et ainsi de toute connaissance, c’est la représentation (Vorstiellung) ; individuelle, elle sert de matière aux jugements individuels (qu’ils soient d’ailleurs substantiels ou accidentels) ; — générale, elle est le fondement des jugements généraux (Gattungs-Urtheile, du genre.) [part.  I, II, § 14].

Les représentations individuelles posent (Setzen), sous forme de contenu de la conscience, les choses particulières et à la fois leurs déterminations. Elles ramènent à l’unité, à la synthèse de la substance, les déterminations qui n’en sont que les symboles. Car la substance et non la détermination forme la véritable nature d’une chose ; elle est la base et le fondement de toutes les déterminations (id., ibid., § 17), le quelque chose à quoi elles sont inhérentes étant ses accidents ; elle est enfin le caractère individuel de cette chose, sa manière d’être spéciale et non autre chose. C’est ainsi que la substance d’un atome ne consiste pas dans sa situation en tel ou tel point de l’espace ; elle n’est que dans la pensée d’une essence intelligible qui en forme le caractère propre. Ainsi la matière n’est que phénoménale, n’est qu’un μὴ ὄν (Platon), parce qu’elle n’est point au nombre des νόητα, ni par suite des substances (id., ibid.).

Les représentations générales posent un contenu de la conscience comme le caractère propre commun à la fois à un nombre indéterminé de choses : c’est le genre ou la classe (p.  I, iii, § 22). Ici, le caractère individuel des choses particulières a disparu ; le caractère commun à toutes est seul considéré, non pas dans l’indétermination vide d’une abstraction absolue (notion du triangle chez Locke), mais avec une détermination qui n’est point limitée en un individu. Il ne s’agit pas davantage d’un individu d’ordre supérieur, dont les choses particulières seraient les membres : « La représentation générale ne pose d’autre existence que celle d’individus et du monde où ils sont contenus. » — Ce sont là les éléments des jugements.

Toutes les définitions du jugement sont d’accord sur ce point qu’il