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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/215

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ANALYSES.bergmann. Problèmes fondamentaux, etc.

consiste dans un rapport établi par l’esprit entre deux représentations prises l’une comme sujet, l’autre comme prédicat, et dont il décide soit l’union, soit la séparation nécessaire (Herbart, Drobisch, Zimmermann, Ueberweg, Lôwe) [part.  I, i, § 11, 12 sqq.]. — Il s’ensuit immédiatement que le jugement, portant uniquement sur des représentations, vaudra ce qu’elles vaudront et sera vrai ou faux selon que ces éléments de la pensée seront l’un ou l’autre. — C’est donc une erreur que de placer, avec Aristote, Descartes et Kant, la vérité ou la fausseté du jugement dans l’opération même de l’esprit qui juge ; c’est qu’ils considèrent les matériaux comme arrivant directement du dehors à l’esprit, sans modification et sans altération, tandis qu’en réalité les diverses formes de jugements ne sont que des modes divers de la pensée, donnant par là à un contenu de la conscience la signification soit d’un individu, soit d’un genre, soit d’une détermination dans une substance, soit d’une substance dans l’univers (ibid., § 13).

Car ce sont là les formes diverses du jugement qui se ramènent elles-mêmes, à un point de vue plus élevé, à deux formes uniques, le jugement accidentel et le jugement substantiel. — Le jugement accidentel affirme ou nie l’être (l’existence) d’une détermination dans ses rapports avec une substance ; il affirme ou nie qu’un accident pris comme prédicat est contenu dans une substance prise comme sujet ; il affirme ou nie le lien nécessaire de la détermination avec la substance à laquelle elle se trouve rapportée. L’affirmation d’une détermination suppose celle d’une substance qui la contienne, car elle n’a point et ne saurait avoir une existence absolue. Ainsi le jugement sur une détermination porte nécessairement sur ses rapports avec une substance (ibid., § 7).

De même que l’accident, la substance n’a pas une existence absolue ; le jugement qui porte sur elle la doit subordonner à une existence d’un ordre supérieur, celle du monde lui-même (Weltgrund). Affirmer ou nier l’existence d’une substance, juger qu’une substance est ou n’est pas, c’est affirmer ou nier qu’elle est dans un rapport nécessaire avec l’existence de l’univers lui-même. — Cette dernière ne peut être rapportée à aucune existence avec laquelle elle soit dans la relation de contenu à contenant ; elle ne peut donc être l’objet d’un jugement. Elle s’impose avec une nécessité absolue et inconditionnée à tout être pensant ; le doute sur son existence est impossible et implique contradiction ; c’est le terme suprême que la pensée ne saurait dépasser (ibid., § 8, 9, 10).

Tel sont les moments, les stades de la pensée qui juge, et les formes hiérarchiques du jugement considéré de son point de vue essentiel. Nous ne dirons rien des formes multiples qu’on peut lui assigner en l’étudiant sous d’autres rapports, selon les catégories de qualité, de modalité, etc. (part.  I, iv, § 38).

En résumé, la représentation a posé un contenu de la conscience sous forme de substance existante et d’accidents existants ; le jugement accidentel a affirmé ou nié l’existence de l’accident ; le jugement substantiel a affirmé ou nié l’existence de la substance. — Entre la re-