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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/216

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présentation individuelle et le jugement s’est glissé un terme nouveau : c’est l’acte par lequel la pensée pose dans l’existence soit la chose, soi les déterminations (part.  I, ii, § 20). C’est qu’il n’est point vrai que l’esprit demeure passif en présence de choses extérieures qui se présentent à lui avec leurs déterminations ; en vertu de la forme essentielle de son activité, il pose les contenus de la conscience avec la signification de substances et d’accidents ; à l’esse in intellectu il ajoute l’esse in re. Mais au nom de quel principe le peut-il ? N’arrivera-t-il point qu’il attribuera l’existence à toute chose qu’il se sera plu à représenter ? ne pourra-t-il point appliquer la preuve ontologique à un être imaginaire quelconque ? Où la pensée trouvera-t-elle son critérium, le principe suivant lequel elle se dirigera ? — La considération pure de la forme séparée de toute matière ne lui donnera point les deux normes positive et négative qu’elle réclame ; le principe de contradiction formelle n’a aucune signification, si ce n’est qu’il exprime la condition de toute pensée, l’impossibilité où est l’esprit de se contredire (part.  I, v, § 44). Il nous faut sortir de ce domaine de l’abstraction pure et vide de contenu, et nous élever au point de vue de la vérité matérielle et non plus formelle, considérer les rapports et l’accord de la pensée avec l’être.

II

Au point de vue où nous sommes parvenus, nous sommes nécessairement amenés à déterminer la notion de l’être, de l’existence.

Nous avons vu que l’existence d’une détermination P en une chose S est son inhérence dans cette chose, que l’existence d’une substance est à son tour son inhérence dans le monde dont l’existence est absolue. Ainsi à ce principe suprême sont suspendues les substances et leurs déterminations ; c’est lui qui prête l’existence aux substances des choses ces unités intelligibles, ces idées des choses, permanentes dans le changement, individuelles et générales à la fois au milieu du cercle des déterminations qui se succèdent dans le temps (part.  II, i, § 49, 50, 51). Le lien de substantialité est un rapport de causalité ; l’inhérence est effectualité : le monde est cause des substances particulières, celles-ci sont à leur tour causes des déterminations. L’inhérence des substances est nécessaire à l’identité du monde qui sans elle se trouve en contradiction avec lui-même ; la substance est en opposition avec elle-même jusqu’à ce que la position de sa détermination ait réalisé son identité (ibid., § 53, 54). Il s’ensuit que la vérité matérielle d’une représentation consistera en ce qu’elle posera une détermination nécessaire à la réalisation de l’identité de la substance, que la fauseté (Unwarheit) d’une représentation consistera à mettre la substance en rapport de nécessité avec une détermination qui la contredira (ibid., § 55).

Nous nous trouvons donc en présence de trois principes qui dominent et règlent toute la connaissance :