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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/236

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inutile de chercher à prouver qu’une simulation, faite sans aucun profit, et prolongée pendant trois ans avec une habileté et une fourberie également prodigieuses, serait une de ces absurdités de premier ordre, qui sont plus invraisemblables que des faits même peu vraisemblables.

Je ne reviendrai donc ici ni sur la question de la simulation, ni sur les symptômes dont j’ai constaté l’existence en 1875 dans mon premier mémoire. J’appellerai l’attention sur certains faits qui sont nouveaux ou qui avaient été insuffisamment observés. Ces faits me paraissent de quelque intérêt pour l’étude psychologique de la conscience, de la mémoire et de la volonté[1].

II

Le phénomène que je voudrais d’abord décrire, c’est un phénomène curieux et complexe, que j’appellerais volontiers objectivation des types, si je ne redoutais ce mot barbare.

On va comprendre en peu de mots ce que j’entends par objectivation.

Lorsque nous sommes éveillés et en pleine possession de toutes nos facultés, nous pouvons imaginer des sentiments différents de ceux que nous éprouvons d’ordinaire. Par exemple, alors que je suis

    que une minute, et qui m’inquiéta beaucoup. Récemment elle a été, pendant son somnambulisme, prise d’une attaque de léthargie qui dura presque une heure. On sait que de tous les phénomènes somnambuliques la léthargie est le plus difficile à simuler. Chez A…, j’ai fait une fois une observation curieuse. À l’état-normal, elle est fort myope et ne voit que très indistinctement les objets qui sont quelque peu éloignés. Un jour, pendant son sommeil, elle a une hallucination provoquée : une troupe de cavaliers, dans le désert, venant à elle. Elle me fait alors cette remarque. Je les vois très bien, et même beaucoup mieux que si j’étais éveillée. C’est qu’en effet, dans la vision normale, il y a réfraction vicieuse des rayons lumineux, et alors vue insuffisante. Au contraire, dans la vision hallucinatoire, il y a vision cérébrale, et par conséquent tout à fait parfaite, sans défaut de réfraction. Les myopes ont des hallucinations aussi nettes que les personnes dont le cristallin est normal. — Un jour, B..… arriva chez moi fort tourmentée par une bronchite opiniâtre. Elle toussait à chaque instant. Or, étant endormie, aussitôt elle cessait de tousser, probablement par suite de l’anesthésie générale qui s’étendait aussi au larynx et aux bronches. Dès qu’elle était réveillée, la toux revenait, opiniâtre et insupportable, Ce jour-là, l’ayant endormie à deux ou trois reprises, j’ai observé, sans que je lui en aie fait part, ce même phénomène d’anesthésie bronchique qui durait pendant le sommeil et cessait aussitôt avec Île réveil.

  1. Je demande d’avance pardon au lecteur des détails, qui paraîtront enfantins, dans lesquels je suis forcé d’entrer. Mais, pour bien rendre quelques phénomènes, il m’a paru que la forme du dialogue ou du monologue est la plus convenable. Le fond de cet article est, je crois, scientifique. La forme ne l’est guère. Mais j’ai préféré la clarté à la solennité.