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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/243

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RICHET. — la personnalité dans le somnambulisme

Or, chez les somnambules dont nous venons d’étudier l’intelligence, une dissociation de ces éléments psychiques se présente avec netteté. Le moi est conservé, alors que l’amnésie de la personnalité est complète.

D’autre part, dans certaines conditions spéciales, on voit la personnalité conservée, la notion du moi intacte, et cependant l’illusion des sensations être telle que tout ce qui entoure le sujet est transformé par son imagination.

Il s’agit là d’un état très curieux, mal déterminé encore, réel cependant, et assez facile à constater sur les deux sujets dont il est question ici.

Chez ces deux femmes, en effet, il n’y a pas entre l’état de sommeil magnétique et l’état normal cette différence nette et formelle qu’on voit dans les livres classiques. Chez elles, on peut provoquer presque tous les phénomènes d’hallucination sans qu’il y ait de clôture des paupières, et alors qu’est conservée exacte et complète la notion de la personnalité.

Ainsi, lorsque A… paraît être complètement réveillée, je lui dit : « Regardez, vous voilà habillée en homme, vous avez un costume Louis XV, un jabot, des dentelles, des talons rouges, un habit à la française, une épée au côté, etc. » Elle se regarde avec stupéfaction, tâte ses habits, s’étonne d’être ainsi transformée, dit : « Que c’est drôle ! Je ne pourrai pas sortir dans la rue comme cela. On se moquerait de moi. » Et elle se promène dans la chambre, s’examinant dans la glace, pleine d’étonnement de se voir avec cet habit de carnaval.

Dans ce cas, l’illusion est formelle ; mais la notion de la personnalité persiste ; elle sait qu’elle est A…, et non un marquis de la cour de Louis XV ; elle se rend compte qu’elle vit en 1883, et non en 1750, qu’elle est dans mon cabinet, et non à Versailles. Aussi son hallucination, considérée par elle comme une hallucination et non comme une réalité, est sans conséquence sur la direction de ses pensées.

Avec B… j’obtiens identiquement les mêmes phénomènes, et, ce qui est assez intéressant, c’est exactement dans les mêmes termes qu’elle exprime son étonnement : « Que c’est drôle ! que c’est drôle ! Vous n’allez pas me laisser comme cela, j’espère. Je ne pourrais pas sortir dans la rue. »

Ainsi l’illusion des sens ne suffit pas pour faire perdre la personnalité et la notion du moi, et on peut observer tel état psychique dans lequel la conscience de la personnalité est conservée, quoique il y ait une illusion complète sur les phénomènes extérieurs.

Mais, si le sommeil est plus profond, le souvenir de la personnalité