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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/340

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de Royer-Collard, qui avait trouvé, comme on sait, l’ouvrage de Reid « chez un libraire de carrefour » (II, 53), M. le marquis de Seoane rappelle avec esprit le souvenir de don Quichotte et des moulins à vent que l’ingénieux hidalgo prenait pour des ennemis et dont il se flattait de triompher. C’est un bel exemple de l’empire des illusions : et quel philosophe n’y est point soumis ? Entre ces sessions législatives si laborieuses dont il nous parle, maintenant qu’il a terminé sa Pentanomie pantanomique, que le noble sénateur relise sans cesse le chef-d’œuvre de Cervantès. Il me semble que, si j’avais l’honneur d’être Espagnol, je ne voudrais faire autre chose de ma vie.

Jules Soury.

Giovanni Cesca. Il nuovo realismo contemporaneo della teorica della conoscenza in germania ed inghilterra. Studio critico. Drueker et Tedeschi, Verona, Padova. 1883.

Depuis Kant, le réalisme vulgaire a cessé d’être une doctrine philosophique. Personne ne met plus en doute que la connaissance humaine ne soit relative ; nous ne pouvons pas connaître les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes. Mais y a-t-il même des choses ? Les réalistes le croient : de là leur nom. lis affirment l’existence d’une chose en soi ; ils reconnaissent qu’ils ne sauraient aller au delà de cette affirmation, qu’il leur est impossible de déterminer la nature de cet agent extérieur, de ce facteur objectif de la connaissance. C’est assez pour eux de démontrer qu’il existe, et ils prétendent y parvenir sans sortir de la conscience, par l’analyse exacte des seuls faits qu’elle nous présente, sans aborder aucun problème de métaphysique. Une bonne théorie de la connaissance suffit pour réfuter, à leur avis, l’idéalisme.

M. Cesca s’est proposé d’analyser et de critiquer les formes diverses de ce réalisme contemporain en Allemagne et en Angleterre, d’en montrer la valeur relative, de rechercher dans quelle mesure elles s’accordent avec les faits et réussissent à concilier les deux principes opposés : celui de la relativité de nos connaissances et celui de la nécessité d’une chose en soi. Avant d’aborder cette tâche, et pour bien faire comprendre ces diverses théories, il lui a paru nécessaire de résumer l’histoire de la question dans la philosophie moderne. Aussi, dans la première partie de son travail, nous montre-t-il comment le problème a été posé et comment en sont sorties les doctrines réalistes et idéalistes qui sont encore aux prises aujourd’hui. Descartes, Locke, Berkeley, Hume, Reid et Kant, étudiés à grands traits, nous préparent à l’examen des différents systèmes réalistes proposés, de notre temps, en Allemagne, en Angleterre, et cet examen remplit la seconde et la troisième partie du volume. Dans la quatrième enfin, l’auteur nous fait connaître sa propre opinion. Le choix même du sujet la rend facile à deviner. M. Cesca est un réaliste ; il admire particulièrement les transformations que M. Herbert Spencer a fait subir au réalisme, et il estimé que sur le terrain même de la théorie de la connaissance la cause de la chose en soi est définitivement gagnée.