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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/343

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REVUE DES PÉRIODIQUES ÉTRANGERS


Vierteljahrsschrift für wissenschaftliche Philosophie.
1884, II, III et IV.

E. Laas : Droit de punir et responsabilité. — La philosophie, dit l’auteur, doit pénétrer l’essence même du droit et de la pénalité, et leur donner, en se maintenant sur le terrain de la réalité et de la vérité scientifique, une base, un principe que les psychiatres et les criminalistes ne sauraient leur fournir.

La première partie étudie la signification du droit de punir aux degrés successifs du développement de l’État. — Dans l’état de défense personnelle, la peine est la vengeance et se ramène à ces trois éléments : 1o désir de réparer l’offense reçue ; 2o garantie pour l’avenir ; 3o châtiment de l’offenseur. — L’État, au premier degré de son organisation, est le Léviathan de Hobbes, se comportant en individu à l’égard des particuliers, et se vengeant rudement de quiconque porte atteinte à sa personnalité. — Peu à peu, il acquiert une signification morale ; la conscience de l’obligation s’éveille, les attentats à sa majesté deviennent des crimes, et la vengeance une peine. Le châtiment devient rationnel, — non pas dans le sens de Spinoza ou de la science moderne, qui considèrent les crimes comme nécessaires (nécessité métaphysique ou hérédité) et suppriment toute expiation, — ni dans le sens de Platon, qui fait de l’homme d’État un médecin des âmes et fait tendre la peine vers l’amélioration du coupable. — La vérité est entre ces deux théories, l’une trop mécanique et trop bestiale, l’autre trop sublime et trop divine.

Le caractère de la peine est le droit, la justice. Quelle est la source d’où découlent ces principes ? — Le droit est à l’origine l’arbitraire et la force. Dans l’État, il revêt graduellement son caractère objectif et rationnel : c’est la force idéale et morale s’imposant à tous, dominant les égoïsmes particuliers, aspirant au bien collectif de la société entière. — La justice exige le travail désintéressé de chacun en vue du bonheur de tous ; — mais son fondement véritable est plus profond encore.

Les logiciens, les pythagoriciens, Platon et Aristote n’ont pas atteint la véritable essence de la justice ; la justice n’est pas un rapport formel, logique, mathématique ou esthétique ; elle suppose des hommes réels et vivants ; elle n’a rien d’apriorique : elle est à la fois égalité, proportion, harmonie ; elle est de plus équilibre parfait des tendances égoïstes et sympathiques des hommes, en vue du bonheur de la société. — La justice est la condition de la vie sociale ; l’État l’impose aux citoyens par le moyen des lois écrites : les enfreindre, c’est attenter à son autorité, C’est vouloir soi-même sa peine (Grotius) ; quant aux vengeances