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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/350

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d’admettre, comme le veut Apelt, que Platon ait pris plaisir à accumuler, sans les résoudre, des objections qui, en frappant ses adversaires, ne l’atteignent pas moins lui-même ?

J. Voikelt. L’objet et la difficulté fondamentale de la théorie de la connaissance comme science, qui n’en suppose aucune autre. — Toute science suppose la légitimité de la connaissance humaine : c’est à la théorie de la connaissance à démontrer cette légitimité ; et elle ne peut s’appuyer pour cela sur aucune autre science. Elle doit partir de principes absolument évidents par eux-mêmes. Locke et Kant ont essayé de satisfaire à cette condition ; mais le second est parti d’une définition contestable de la connaissance. Kant suppose que la connaissance ne réside que dans les jugements universels et nécessaires. Locke conçoit, au contraire, que la pensée humaine pourrait bien être obligée de se contenter, pour ses connaissances, d’une généralité et d’une nécessité relatives. L’analyse nous apprend que la marque essentielle des jugements auxquels nous donnons le nom de connaissances est d’affirmer entre nos idées des rapports immuables, un ordre indépendant de notre volonté et que pour cela nous appelons l’ordre des choses, Mais n’est-ce pas un second fait de conscience, aussi indiscutable que celui dont nous parlions tout à l’heure, que l’homme ressent le besoin de rechercher, d’affirmer un tel ordre ?

Et Kant fait-il autre chose qu’obéir à ce besoin impérieux, lorsqu’il cherche à déterminer les lois sans lesquelles cet ordre n’existerait pas.

Mais l’un et l’autre, dans cette recherche des titres de la connaissance humaine, ne commettent-ils pas une inévitable pétition de principe ? L’esprit peut-il démontrer sa propre véracité, sans supposer ce qui est en question ? Volkelt croit que le philosophe peut échapper au diallèle où prétendent l’enfermer les sceptiques. Il y a une évidence qui s’impose au sceptique comme aux autres : c’est l’évidence du fait de conscience. J’ai telle pensée, et je suis assuré de l’avoir, assuré d’une certitude absolue, sans aucune pétition de principe. Mais cette certitude toute subjective n’est pas encore la certitude objective, celle qui mérite seule le nom de connaissance. L’analyse nous montre que la connaissance exprime un rapport invariable entre nos idées. N’est-ce pas un second fait de conscience aussi indiscutable que le premier, que j’éprouve le besoin de croire a des rapports immuables entre mes idées, à un ordre indépendant de ma volonté que j’appelle pour cela l’ordre des choses ?

Il n’y a plus maintenant qu’à déterminer avec Kant ces règles sans lesquelles le monde de nos idées ne serait qu’un chaos confus, qu’à soumettre à l’unité de l’aperception la trame mobile de nos sensations. C’est sur un besoin incontestable du moi, que repose la connaissance ; la vérité objective dérive donc d’un besoin tout subjectif : « elle n’a jamais une absolue certitude, mais tout au plus une haute probabilité. » Volkelt ne se dissimule pas que cette théorie de la connaissance ne