Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/352

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


CORRESPONDANCE


Udine, 23 janvier 1883.
Monsieur le Directeur,

Dans un remarquable article de M. Tarde, publié dans le numéro de janvier de votre savante Revue, je lis quelques jugements qui, selon moi, ne correspondent pas exactement à ce que je soutins naguère dans ma publication — Il sentimento nella scienza del diritto penale — à propos, d’une loi empirique de la criminalité.

M. Tarde, après avoir exposé fidèlement le principe sur lequel repose ma théorie, me reproche d’avoir à tort calculé la criminalité comme un reste (residuo) obtenu en le retranchant de la somme d’activité productrice et juridique d’une nation à un moment donné ; tandis qu’il s’agirait au contraire d’un quotient, d’une division et non d’une soustraction. À quoi je crois pouvoir répondre qu’il ne s’agit point ici d’une opération arithmétique, mais, si je puis ainsi m’exprimer, d’une opération logique, c’est-à-dire de l’application d’un procès logique par lequel on tend à isoler de la totalité d’un phénomène la partie qu’on veut étudier et dont on ne connaît pas la loi ; c’est en un mot, d’après Mill et Bain, pour ne citer que les plus illustres, l’application de la méthode des résidus à l’étude d’un phénomène social.

Je crois aussi que l’auteur n’est pas plus exact, quand il m’attribue d’avoir pris le mot destructeur dans le seul sens matériel du dommage produit par le crime, attendu que, par des nombreuses expressions et souvent répétées, il aurait pu comprendre que je substitue parfois l’expression générique d’activité destructrice à celle d’activité criminelle puisqu’à la fin la violation d’un droit, le trouble causé par le crime dans les rapports particuliers et publics, peut-être qualifié sous un point de vue général pour un acte particulier. Je crois du reste avoir été assez explicite et avoir assez bien posé la question, quand j’ai dit que le rapport de la criminalité doit être cherché dans la somme relative des énergies destructrices et criminelles comparée à la somme des énergies conservatrices et juridiques. — La thèse ainsi posée démontre clairement que l’activité juridique rentre dans la conservatrice, et vice versa, comme l’espèce rentre dans le genre.