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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/368

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sairement fou, un esprit sain est nécessairement sain, et la folie est en harmonie avec l’ensemble des lois de l’univers puisque certaines rencontres de ces lois la produisent, en résulte-t-il que la folie soit en harmonie avec les objets sur lesquels le fou porte des jugements faux ? De ce que la folie « est vraie », comme compatible avec le grand Tout, mal à propos appelé l’universelle vérité, il n’en résulte pas que les opinions du fou soient vraies comme harmoniques avec les objets particuliers auxquels elles s’appliquent, ni qu’il fasse jour quand le fou le déclare en plein minuit.

On objectera qu’il y a des questions insolubles où chacun se croit sage, sans qu’on puisse distinguer les vrais sages des fous. — Sans doute ; mais, en ce cas, le libre arbitre n’est-il pas tout aussi impuissant que le déterminisme à faire la distinction ? Il ne peut que servir à accroître l’embarras, car chacun se jugera librement sage, et cela au moment même où il sera le plus fou. C’est encore le déterminisme qui peut fournir ici ou un critérium où un succédané de critérium. Supposez, par exemple, qu’il s’agisse du vote d’une chambre de députés relativement à une mesure dont les effets futurs sont actuellement invérifiables et même, par hypothèse, impossibles à prévoir. En l’absence de toute certitude et même de toute probabilité tirée de l’objet, je pourrai encore me faire une probabilité tirée des motifs et mobiles qui ont déterminé le vote. Je penserai que les députés qui ont le plus de chance d’avoir raison sont ceux qui ont le moins cédé aux raisons subjectives, aux passions de parti, aux ambitions personnelles, aux intrigues corruptrices, etc. J’éliminerai autant que possible tout le subjectif, toutes les questions de personnalité, pour avoir une probabilité objective, la plus impersonnelle possible. Je pourrai dire : — Ce vote doit être absurde, parce qu’il a été une œuvre de passion, de légèreté, de haine, de corruption. Le critérium, en ce cas, est justement l’opposé de la méthode subjective que le criticisme préfère à la méthode objective. Si l’on vient me dire que les députés se sont fait librement leurs motifs et mobiles de vote, ma défiance ne fera que s’accroitre, tout comme si l’on m’apprenait qu’ils ont voté à la courte paille. Donc, même au point de vue interne, est plus probable ce qui est plus dégagé des penchants subjectifs et des commencements absolus subjectifs Donc encore, nous ne saurions admettre que l’incertitude produite par les résultats contradictoires des jugements humains « ne se peut lever qu’en reconnaissant que la certitude est un état psychique, résultat d’un acte libre, en une conscience responsable, et non point l’effet d’une nécessité qui se contredit en ses différents produits. » — Qui, la certitude, la croyance est un état