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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/380

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Ce n’est pas à dire que nous voulions établir une séparation artificielle, comme celle des spiritualistes, entre le jugement et la volition. Loin de là ; nous dirons volontiers, nous aussi, que les jugements sont eux-mêmes des actions, les actions des jugements ou même des raisonnements en acte. Mais, au lieu de voir dans cette vérité le salut du libre arbitre, nous y voyons la confirmation du déterminisme psychologique. Pour nous comme pour tous les psychologues, le jugement a pour essence l’affirmation, et l’affirmation est : 1o une certaine union établie entre des sensations ou représentations (ainsi j’unis la représentation du tonnerre à celle de son, j’affirme le son du tonnerre) ; c’est donc une synthèse de représentations ; 2o l’affirmation est une projection au dehors de cette union établie entre mes représentations, en d’autres termes elle est une croyance que les choses sont comme je me les représente, une objectivation. Ainsi, affirmer que le tonnerre est sonore, c’est croire que ce qui est lié dans ma pensée est lié aussi dans les objets mêmes.

Pour comprendre comment se produit l’affirmation ou la croyance et voir si elle est libre, il faut chercher 1o la nature du lien entre nos représentations, 2o la nature du lien qui unit nos représentations aux objets.

1o Le lien entre nos représentations n’est autre, selon nous, que leur association naturelle ou acquise dans notre conscience, qui correspond à l’action réflexe des cellules cérébrales. Si, une première fois, le contact d’une flamme et une sensation de brûlure coexistent dans ma conscience, le lien actuel des sensations m’est donné de fait avec les sensations mêmes. Une fois donné naturellement, il laisse une voie de communication ouverte dans mon cerveau et persiste dans mon souvenir, il est acquis. L’habitude, par la répétition, le fortifiera ; elle augmentera même la cohésion des représentations de feu et de brûlure, le passage facile d’un mode de vibration cérébrale à l’autre. Ajoutez à l’association des représentations entre elles leur association avec les mots, la cohésion sera plus forte encore. Le jugement sera devenu une proposition. L’affirmation intérieure se ramène donc à l’association des sensations, des représentations, des mots, laquelle correspond à celle des actes réflexes dans le cerveau.

2o Quelle est maintenant (chose plus importante et généralement mal expliquée) la nature du lien des représentations avec l’objet extérieur, qui fait que nous attribuons une valeur objective à notre jugement et complétons ainsi notre affirmation ?

Ce lien n’est autre, selon nous, que celui même qui unit la pensée à l’action, au mouvement. Quand nous avons des représentations