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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/387

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FOUILLÉE. — arguments en faveur du libre arbitrie

réel. Pour la pensée, voir, c’est en même temps toucher, se mouvoir, agir ; l’œil intérieur est en même temps un tact et son regard est une force. C’est la lumière qui l’a produit mécaniquement et mécaniquement adapté à elle-même, soit ; mais, une fois produit, il peut tourner à son profit la lumière même. L’idée, au lieu d’engendrer un fatum mahumetanum, réagit sur nos émotions profondes, dont elle fut d’abord la conscience réfléchie, en leur donnant une détermination et un caractère défini, qu’il s’agisse des émotions intéressées ou des émotions désintéressées. Elle les spécifie donc (par exemple, l’amour réfléchi de la patrie, de l’humanité, etc., se distingue spécifiquement d’autres amours) ; par cela même, elle les dirige. Or ce qui modifie la direction d’une force pour la déterminer, la spécifier et la diriger, est nécessairement une force, comme la digue d’un fleuve ou le frein d’une voiture. Les idées sont donc, en ce sens, des forces directrices, parfois purement limitatives, comme quand elles se bornent à refréner, parfois excitatives, comme quand elles poussent à l’action. Elles sont même des forces auxiliaires, c’est-à-dire qu’elles diminuent les résistances en imprimant aux forces nées des émotions la direction la plus favorable : si j’agis en sachant ce que je fais, je puis éviter les chocs, les rencontres, les frottements, les pertes de force vive.

2o Ce n’est pas tout : nous venons de supposer un instant que toutes les idées sont exclusivement des formules de phénomènes mécaniques ; il n’en est rien. Les idées ne symbolisent pas seulement des phénomènes de mouvement, c’est-à-dire des changements de relation dans l’espace. Elles enveloppent un élément psychique irréductible au pur mécanisme, ne fût-ce que la sensation : elles sont donc tout au moins des formules de sensations, et cela avant même d’être des formules de mouvement, car le mouvement n’est lui-même qu’un résidu de certaines sensations. Les idées sont donc des symboles psychiques en même temps que mécaniques. Pour cette raison même elles ne sont pas indifférentes, car elles enveloppent du plaisir et de la douleur, fût-ce à l’état naissant et élémentaire. Sous ce rapport, elles sont de réelles forces psychiques, c’est-à-dire des tendances intérieures, des désirs ou des aversions. Ce ne sont pas des cadres vides, mais des formes dont le contenu est la vie mentale.

Enfin, 3o nous avons des idées qui semblent encore supérieures aux notions psychiques, et par cela même plus éloignées des formules purement mécaniques : ce sont les idées métaphysiques. Que les notions de liberté, d’absolu, d’inconnaissable, d’universel (qui se ramènent à une seule répondent ou non à des réalités objectives, toujours est-il que nous les concevons subjectivement, et, une fois