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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/388

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conçues, elles tendent à diriger nos actes, à se réaliser en nous et dans la société, à s’objectiver en se concevant. Les idées ou, pour mieux dire, les idéaux sont donc des formules métaphysiques, des symboles métaphysiques : le nier, c’est méconnaître la réalité intérieure pour réduire tout à un genre exclusif de symbolisme, celui des mathématiques.

Par cette série de considérations sur la puissance efficace du conscient, nous en venons à nous demander si la réalité n’est pas plus fondamentale du côté psychique que du côté mécanique, si la sensation, si la pensée, tout en étant inséparable du mouvement, n’est pas plus voisine que le mouvement du fond absolu des choses. Toujours est-il qu’on n’a pas énuméré toutes les causes et forces de la nature quand on a énuméré les mouvements. Il peut y avoir d’autres activités que les actions purement mécaniques. Les idées sont les expressions à la fois de ces autres causes et des mouvements par lesquels elles se traduisent au dehors. Elles sont des intermédiaires entre le monde du mouvement et un autre monde : elles sont les synthèses de deux points de vue divers. En conséquence, pour le vrai déterminisme, loin d’être passives et inertes, les idées sont la conscience même du mouvement et de l’action ; si ce sont des formules, ce sont des formules directrices de la vie, des lois qui, en se concevant, parviennent à lui imprimer une direction nouvelle. Ce n’est pas passivement, mais bien en se mouvant, en sentant, en agissant, que l’être arrive à penser, comme c’est en se mouvant avec rapidité qu’un mobile matériel peut arriver à répandre de la chaleur et de la lumière : la pensée est une révélation de l’énergie et non de l’inertie. Que les adversaires du déterminisme scientifique renoncent donc une fois pour toutes, s’ils en sont capables, à cet antique « argument paresseux » qui provient d’une séparation artificielle établie par eux, et quelquefois aussi par un déterminisme inexact, entre la pensée et l’action, entre l’idée et le mouvement.

Alfred Fouillée.