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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/393

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SECRÉTAN. — la métaphysique de l’eudémonisme

tent, puisqu’ils doivent nécessairement en sortir ; ils n’y préexistent pas, puisque rien n’existe au début que la matière aveugle et le mouvement local. — Contraire aux conditions de la connaissance : d’abord par la contradiction même que nous venons de signaler, puis par la thèse que l’ordre spirituel, qui nécessairement reste pour nous l’essentiel et le vrai, est considéré comme l’accidentel, sinon l’illusoire ; d’où résulterait que l’ordre de nos représentations est inconciliable avec celui des réalités. Une telle conclusion réagit nécessairement sur les thèses mêmes dont elle procède et condamne d’avance tous les résultats de notre activité mentale.

Cette appréciation ne s’impose pas avec assez d’évidence pour rendre le matérialisme indéfendable ; elle suffit à nous le rendre suspect. Il résulte logiquement de la thèse sensationniste ; mais cette thèse est un parti pris. Toutes nos connaissances proviennent de la sensation, nous est-il dit, et se ramènent à la sensation. L’a-t-on prouvé ? Que l’influence du monde extérieur, la sensation joue un certain rôle dans toutes nos modifications internes ; qu’elle agisse comme cause déterminante de l’acte par lequel nous prenons conscience de nous-mêmes ; que dans ce sens il n’y ait point d’idées innées, cela me paraît vraisemblable, et je n’attends pas qu’on me l’ait démontré pour l’accorder ; mais que le moi ne soit qu’un local, que je n’agisse point dans ma pensée, que généralement il n’y ait point d’action, ici la conscience proteste, et proteste sur une matière de sa compétence. La notion d’activité tient une trop grande place dans l’économie de notre esprit et dans celle du monde pour qu’il soit possible de l’éliminer. Fonction du corps ou principe distinct du corps, il n’importe, l’esprit est actif dans la transformation des matériaux fournis par la sensation, il est actif dans la sensation même, qui ne se conçoit absolument pas sans la notion de cette activité du sujet sentant. Mais si l’esprit agit, nécessairement il agit selon des lois, et par conséquent il apporte un élément dans toute connaissance. Il y a donc un a priori, quand même il n’y aurait pas d’idées a priori. L’esprit n’est pas une pure série de phénomènes ; au nombre de ces phénomènes il y a des actes, et les actes supposent un agent.

Au fond du sujet, il y a donc quelque chose qui n’apparaît pas ; voilà ce qu’il faut reconnaître ; et ce point admis, il devient naturel d’admettre aussi, par analogie, quelque chose qui n’apparait pas au fond de l’objet. Peut-êtré, à la rigueur, la psychologie de l’empirisme sensationniste a-t-elle établi dans ses amples traités la possibilité de se représenter la marche des choses conformément à son idée directrice, mais assurément elle n’a pas démontré que la né-